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  • Algodystrophie : 50 000 Français en lutte contre la douleur

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    Algodystrophie, syndrome douloureux régional complexe... Plusieurs noms pour une même pathologie aux innombrables symptômes : douleur chronique, gonflements, raideurs. 50 000 Français seraient touchés par cette maladie orpheline complexe et méconnue.

    Une douleur constante accompagnée de fourmillements, sensation de brûlures, œdèmes, raideurs, troubles vasomoteurs et une peau très sensible au point de ne pas supporter un vêtement... Ce n'est qu'un échantillon des symptômes provoqués par l'algodystrophie. Cette maladie rare, également appelée syndrome douloureux régional complexe (SDRC), est due à une mauvaise circulation sanguine et se caractérise par une inflammation anormale sur une région du corps située à proximité d'une articulation (poignet, épaule, pied, genou...), qui survient souvent à la suite d'un « traumatisme », comme une intervention chirurgicale ou une entorse. Selon les estimations, environ 50 000 Français seraient concernés. Si, la plupart du temps, elle guérit spontanément, certains patients ne comptent plus le nombre d'années passées à la combattre. Leur point commun ? Un manque, voire une absence totale, de prise en charge.

    Signal d'alarme actif en permanence

    Tout est dans le nom... « Algo » du grec « douleur » et « dystrophie », qui s'apparente à un trouble du développement ou à une altération cellulaire. « La douleur est un message nerveux transmis au cerveau par les nerfs via la moelle épinière. C'est un signal d'alarme qui permet de prendre conscience qu'une partie du corps est agressée et qu'il faut réagir de façon appropriée. Pour des raisons inexpliquées, dans l'algodystrophie, le message de douleur est continu et on ne sait pas encore ce qu'il faut faire pour que cesse l'agression de la partie du corps concernée », explique l'association Algodystrophie France. De même, pour fonctionner, nos cellules ont besoin de carburant, c'est le rôle du sang, qui apporte tous les éléments nécessaires au bon fonctionnement du corps humain. « Chez les personnes touchées par le SDRC, le sang arrive difficilement car les veines ne se dilatent pas et ne se contractent pas normalement. Cela entraîne des lésions diverses qui peuvent être graves et entraîner une invalidité définitive », poursuit-elle.

    Deux types de SDRC

    Il existe deux types d'algodystrophie. Dans le premier, le plus fréquent, anciennement appelé algoneurodystrophie, aucune lésion nerveuse n'est à déplorer. La douleur survient à la suite d'une blessure et se répand sur une zone importante du corps, voire sur la totalité d'un membre, et se manifeste par des troubles de la circulation (gonflement, sudation), des rougeurs sur la peau ou encore une décalcification osseuse (diminution de la teneur en calcium). En cas d'« algo » de type 2, un nerf endommagé localement provoque une hypersensibilité des tissus environnants. Le hic, c'est que, bien souvent, aucun signe clinique n'apparaît au départ... Un vrai casse-tête pour les professionnels de santé qui peinent à identifier la maladie. Résultat : une errance médicale qui peut coûter cher... « J'ai commencé à avoir mal à la cheville gauche en novembre 2015 mais l'algo n'a pas été diagnostiquée immédiatement », explique Céline, 36 ans. Deux opérations et trois ans plus tard, la maladie est toujours là et contraint parfois la jeune femme, qui a dû cesser son activité professionnelle, à se déplacer en fauteuil roulant.

    Isolement social

    Lorsque cette pathologie s'installe dans la durée, elle peut provoquer des troubles du sommeil et de la concentration, de l'anxiété, de l'irritabilité, une grande fatigue et un isolement social, comme en témoigne Siana, 10 ans : « L'algodystrophie me fait passer presque toutes les semaines en béquilles. Du coup, je ne peux plus du tout faire de sport. Oubliés mes cours de danse classique et de gym, alors que j'adorais ça ! Oubliés les anniversaires de mes amies aussi... La plupart proposent des activités physiques ou des choses que je ne peux pas faire », déplore la fillette. Sans parler du sentiment de « honte » que certains développent en cas de gonflement disproportionné d'un membre... A noter que le SDRC peut survenir à tout âge et, selon les études, affecte plus fréquemment les femmes que les hommes, avec un ratio de quatre pour un. La durée d'évolution de la maladie varie entre six mois et deux à trois ans, en fonction de la localisation de la douleur. Les membres supérieurs (près de 60 % des cas) seraient davantage touchés que les inférieurs, en particulier après une chirurgie des extrémités (canal carpien). En général, le patient traverse trois phases : chaude (inflammatoire), froide (membre froid et pâle) et, enfin, la guérison.

    Origine inconnue

    Si de nombreux traitements sont proposés aux patients, aucun n'aurait démontré une efficacité incontestable. Il est, cependant, possible d'atténuer les douleurs avec une prise en charge pluridisciplinaire, et, plus elle est précoce, mieux c'est. Ainsi, le traitement le plus efficace associerait le repos, la kinésithérapie et la prescription de médicaments. L'hydrothérapie, les bains écossais (qui alternent des températures hautes et basses), la neurostimulation (TENS) ou encore les cataplasmes d'argile et un apport en vitamine C ont également fait leurs preuves. Malgré les progrès de la médecine, l'origine de l'algodystrophie reste, pour l'heure, inconnue. Ce qui est certain, en revanche, c'est que « personne n'est à l'abri », souligne Algodystrophie France. Pour démystifier cette maladie complexe, améliorer sa prise en charge et faire progresser la recherche, l'association mène différentes actions de sensibilisation. Son credo : « Beaucoup plus fort ensemble ».

  • CovidEcoute : détresse psychique, une aide anti-stress

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    Apporter un soutien psychologique aux personnes qui font face à une détresse émotionnelle liée au Covid-19, tel est le but de la plateforme CovidEcoute, lancée le 15 avril 2020. Au menu : des guides pour "s'aider soi-même" et des visioconsultations.

     

    Colère, anxiété, tristesse, épuisement... Le Covid-19 et le confinement qui en résulte peuvent engendrer des états de souffrance psychologique chez de nombreux Français. Pour les aider à gérer ce flot d'émotions, la Fondation FondaMental, dédiée à la lutte contre les troubles psychiatriques, lance le 15 avril 2020 la plateforme CovidEcoute (lien ci-dessous). L'objectif : répondre aux détresses émotionnelles immédiates mais aussi prévenir les troubles dépressifs ou de l'humeur et le stress post-traumatique liés à cette crise sanitaire exceptionnelle. Conçu par des professionnels de santé mentale formés à la gestion du stress, ce site propose ressources, écoute et soutien, de manière totalement gratuite, grâce à l'accompagnement de thérapeutes bénévoles. Un dispositif qui se veut « simple, facile d'accès et rassurant ! »

    Prise en charge personnalisée

    « CovidEcoute offre une prise en charge psychologique adaptée et personnalisée à toutes les personnes déstabilisées par le confinement, tels que les étudiants, les familles de patients, les femmes enceintes, les parents épuisés, les soignants, les proches endeuillés, les personnes qui peinent à contrôler leur consommation d'alcool..., explique Stéphany Pelissolo, psychologue clinicienne, à l'initiative du projet. L'idée de cette plateforme a émergé à la suite d'une discussion avec des amis psychologues. » Selon elle, l'enjeu est d'éviter que des symptômes ou émotions « anormales » apparaissent ou persistent du fait de la durée de la crise.

    Pour connaître leur état de santé mentale et identifier les solutions adaptées, les internautes sont tout d'abord invités à remplir un bref questionnaire : « Je souhaite acquérir des stratégies pour mieux gérer mes émotions, je suis surmené/épuisé, j'ai des idées suicidaires, je ne supporte plus les morts ou encore les choix éthiques à faire au quotidien... ». Prochaine étape : évaluer son niveau de tension ou de stress, de mal-être immédiat, d'épuisement, de colère et d'envies suicidaires, sur une échelle de 1 à 10. Plusieurs ressources sont ensuite proposées en fonction du « score » obtenu.

    Des séances de 45 min à 1h30

    Si ce dernier est « faible », la plateforme renvoie vers des guides et autres ressources pour « s'aider soi-même », comme des séances de méditation pour « prendre soin de soi en sept jours », une application d'auto-soin gratuite ou encore des programmes pour gérer son addiction. En complément, elle propose un accès sécurisé et individualisé à des téléconsultations de soutien psychologique d'une « durée inédite », selon ses concepteurs, entre 45 minutes et 1h30. Autre « originalité » du site : l'internaute peut choisir lui-même,  en ligne, via la plateforme de téléconsultation Qare, son thérapeute ainsi que la date et l'heure de l'entretien puis recevoir un compte-rendu à l'issue de la séance. Des éléments « bien utiles qu'on ne retrouve pas sur les autres plateformes », estime Stéphany Pelissolo.

    Un sourire bienveillant

    Pourquoi visioconsultation plutôt qu'une ligne d'écoute ? Pour cette psychologue, « c'est absolument essentiel en plein confinement où les gens ont moins de contacts sociaux ». « Parler, a fortiori en période de crise, est, certes, fondamental, mais il est aussi important de recevoir un sourire et un regard soutenant et bienveillant, poursuit-elle. Cela permet aussi de décrypter des éléments pas forcément évoqués par l'interlocuteur. » Mais, ne vous méprenez pas, « il ne s'agit pas d'une psychothérapie, prévient Stéphanie Pelissolo. Notre rôle est de faire acquérir aux personnes en proie au stress des stratégies pour faire face à leur souffrance dans l'ici et maintenant ». Internes en psychiatrie, psychologues, psychothérapeutes, psychiatres, addictologues... Pour ce faire, plus de 500 professionnels volontaires, « spécifiquement formés à la gestion du stress », ont été recrutés mais, pour l'heure, 113 d'entre eux sont effectifs.

    Groupes de parole à venir

    Quelque 150 consultations ont été effectuées en amont du lancement officiel. « Les premiers retours des patients et des professionnels sont très encourageants », se félicitent les concepteurs. D'ici une quinzaine de jours, des groupes de parole animés par des psychothérapeutes seront mis en place, « pour partager ses émotions et prendre conscience qu'on n'est pas seul à ressentir de l'anxiété, de la tristesse », explique Stéphanie Pelissolo. Quid de l'après Covid-19 ? La plateforme a vocation à durer et « sera encore disponible à l'issue du confinement », indique-t-elle. « D'autant qu'il risque également d'avoir des conséquences considérables. Après deux mois de stand-by, revenir à une vie où l'on est sur-stimulé et confronté à des contacts sociaux permanents peut faire un sacré choc, souligne-t-elle. Les ressources proposées seront alors adaptées en fonction des besoins qui se manifesteront à ce moment-là. »

  • Dépistage prénatal de l'autisme : menace d'extinction ?

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    Les personnes autistes pourraient-elles être menacées par un dépistage prénatal massif, à l'instar de ce qui s'est fait pour la trisomie 21 ? Les évolutions scientifiques et sociales vont dans ce sens. Vers un modèle unique d'humain toléré ?

     

    Auteur : Amélie Tsaag Valren, enseignante en éducation aux medias à la Sorbonne nouvelle Paris 3

    Vers l'extinction des personnes autistes ? Une étude taïwanaise, discrètement parue début 2020, laisse planer cette menace... Sur 333 mères d'enfants autistes interrogées sur la possibilité de recourir à une amniocentèse pour détecter le « risque d'autisme » entre leur 16e et leur 20e semaine de grossesse, deux tiers se disent favorables à l'accès à ce test et plus de la moitié (53,1%) choisiraient d'interrompre leur grossesse. Les auteurs de cette étude estiment ses résultats applicables aux autres pays de culture chinoise, ainsi qu'aux pays occidentaux…

    S'il est un sujet qui semble devoir rassembler urgemment les personnes autistes de tous les pays, c'est bien celui sur le dépistage prénatal de ce trouble. S'il venait à être autorisé à grande échelle, les sujets tels que la scolarisation, l'accès aux soins, l'emploi risqueraient de devenir secondaires, puis caduques. De bien sombres lendemains, à l'image de ce qui s'est produit pour la trisomie 21 ?

    Le modèle trisomie 21

    Dans les années 1970, apparaît un grand débat sur la notion d' « avortement eugénique ». En 1975, la loi Veil institue une différenciation entre IVG (interruption volontaire de grossesse) et IMG (médicale, qui est autorisée jusqu'à la veille du jour de la naissance en cas de détection d'une maladie ou d'un handicap grave, dont la trisomie 21). Dans les années 80 et 90, on assiste à une acceptation sociale progressive de l'élimination des personnes trisomiques avant leur naissance et, en 1997, le dépistage systématique est pris en charge par l'Assurance maladie. Depuis, l'avortement des fœtus suspectés de trisomie 21 est majoritairement acceptée par la société, et une croyance ancrée chez les médecins veut qu'il s'agisse de la « meilleure » solution. En 2017, en Islande, on observe une disparition totale de la T21 via un recours à 100 % à l'interruption de grossesse. L'acceptation sociale de l'IMG est donc nettement plus forte aujourd'hui que dans les années 1970. En s'inspirant de cette évolution, on peut reconstituer un schéma de progression vers l'éradication des personnes autistes dites « sévères » en France. Inquiétant ? Dans les années 2010, ont lieu les premières expérimentations d'IMG ciblées sur une variation chromosomique associée à 1 % des personnes autistes.

    Des hypothèses sérieuses

    Dans la décennie à venir, on peut légitimement imaginer le scénario suivant… Tout d'abord, le passage du statut expérimental à celui de procédure légale sur les seules variations génétiques bien identifiées, sans remboursement de la sécurité sociale dans un premier temps à l'occasion d'une révision de loi bioéthique, avec une scission entre les Asperger/haut niveau (considérés comme étant à garder) et les « sévères » (à éliminer) selon des critères de probabilités de sévérité du handicap. La fiabilité des prédictions du niveau de handicap pourrait s'affiner très rapidement car les financements et investissements en recherche sur ce type d'études sont très importants. En revanche, les études sur l'acceptation sociale des personnes autistes vivantes resteraient pas ou mal financées. Et, d'ici quelques années, la société pourrait exiger le remboursement du dépistage prénatal de l'autisme dit « sévère » par l'Assurance maladie, arguant que l'autoriser sans le rembourser relève d'une injustice sociale. A terme, ce serait la disparition des ressources éducatives destinées à ce public et des études en sciences sociales, ainsi qu'une forte stigmatisation et dégradation sociale des parents qui ont fait le choix de les « garder » ces enfants. Bien sûr, cette perspective reste hypothétique…

    Pourtant, l'Hôpital privé américain de Paris, à Neuilly-sur-Seine (92), pratique un dépistage prénatal « de l'autisme », à titre « expérimental », au moins depuis 2018. Le docteur Géraldine Viot, qui pratique des bilans génétiques chez des enfants atteints de troubles du neurodéveloppement, en particulier déficience intellectuelle et autisme, explique dans une interview accordée au Monde en septembre 2018 que « si on trouve une microdélétion connue pour être associée à des troubles autistiques et que ce remaniement est confirmé à l'amniocentèse, l'indication d'une interruption médicale de grossesse sera discutée avec la patiente ». Une analyse interne révèle que 85 % des parents y seraient favorables.

    Un terrible message

    Alors que la communication officielle du secrétariat d'État au Handicap consiste à répéter la formule « société inclusive », l'inverse se profilerait-il avec une société eugéniste dont toute différence humaine sera éliminée, sur la base d'un calcul de probabilités de « coût pour la société » de la personne à naître. Pourquoi investir dans une école inclusive si vous pouvez éliminer le « problème coûteux » à la source, avec une forte acceptabilité sociale des futurs parents, tout en enrichissant les laboratoires qui commercialisent leurs tests prénataux ? Dans son rapport « Rights of persons with disabilities » de décembre 2019, la rapporteuse spéciale des Nations unies au handicap, Catalina Devandas-Aguilar, cite l'autisme parmi les « conditions » susceptibles d'une sélection eugéniste. Accepter le dépistage prénatal de l'autisme en vue d'une IMG reviendrait à saborder, à terme, les efforts menés pour bâtir une société inclusive, notamment dans le cadre scolaire, sans compter le terrible message que ce « choix » délivre aux personnes autistes, à savoir que leur élimination, possible en théorie jusqu'à la veille du jour de leur naissance, serait préférable à leur existence.

    Un débat inexistant en France

    A ce jour, le débat autour du dépistage prénatal de l'autisme reste quasi inexistant en France, ce militantisme étant surtout anglo-saxon et québécois. Alors que 96 % des personnes trisomiques détectées en France ne naissent plus, nous connaissons aussi nombre d'exemples d'entre elles qui mènent des vies heureuses et accomplies. Interrogées à ce sujet, elles disent ne pas « souffrir » de la trisomie et qu'il ne s'agit pas d'une maladie. Pourtant, tant à l'égard des personnes autistes que des personnes trisomiques, il est martelé, à notre place, par des politiques et des psychiatres, que nous en souffririons en permanence… Comme le dit fort bien Josef Schovanec, autiste, philosophe, auteur, « c'est le rejet qui fait souffrir, pas l'autisme ». Un professionnel de santé avait un jour demandé à la chercheuse canadienne Michelle Dawson, « Quel est le pire aspect dans le fait d'être autiste ? ». « Être haïe », avait-elle répondu. Tout est dit. Éliminer une vie pour cause d'autisme, c'est valoriser une société normative, au sein de laquelle « un seul type de profil d'humain sera toléré », selon les mots de Josef Schovanec. A méditer…

  • Le SOS des parents de Louca, 17ans, autiste, interné en HP

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    A l'isolement 22h/24, Louca passe son temps à taper sur la porte quand il n'essaye pas de se faire du mal. L'hôpital psychiatrique, seule solution proposée à ce jeune autiste et sourd. A bout, ses parents réclament la création d'une unité sur-mesure.

     

    Louca, 17 ans, sourd, autiste et atteint du syndrome de Waardenburg Klein de type 2 -une maladie génétique qui se caractérise notamment par des anomalies de la pigmentation et des malformations au niveau du visage-, est enfermé dans une chambre d'isolement 22h/24 avec, au mieux, quatre sorties quotidiennes de trente minutes. Une chambre vide, qui plus est, pour éviter que le jeune homme ne se blesse, avec pour seule compagnie un modeste matelas et une bassine faisant office de latrine. Seules occupations ? Avaler des objets et taper sur la porte, quand il n'essaye pas d'intenter à sa vie... Uns situation « effroyable », « inhumaine », voire « criminelle » qui dure depuis le 27 octobre 2020, pointent ses parents, désespérés, indignés, démunis, qui militent pour qu'il ait le droit de vivre « dignement ».

    Ejecté de quatre structures

    « Sa place n'est pas dans un hôpital psychiatrique mais dans un établissement médico-social », martèle le couple depuis plusieurs mois, « épuisé » par cette quête chronophage d'une prise en charge adaptée. « Nous ne travaillons plus ni l'un ni l'autre, nous n'avons plus de liens sociaux », confie-t-il, assurant avoir « vécu l'enfer pendant d'innombrables années en implorant de l'aide ». « Toutes les prises en charge ont mal tourné, faute de structure adaptée et de professionnels aguerris », poursuit-il. Après avoir été éjecté de quatre structures différentes, Louca est admis, en 2010, dans un Institut médico-social pour jeunes sourds avec handicaps associés, non spécialisé dans les troubles du spectre de l'autisme. Il a alors six ans. Ses troubles du comportement rendent son adaptation très difficile mais « nous tenons tous bon », assurent les parents… Jusqu'à ses 12 ans et son entrée chez « les grands », où une plus grande autonomie est requise.

    « Mise en danger vitale »

    Louca change de groupe, de référent, perd ses repères. « C'est l'hécatombe ! », déplorent-ils. Ses accès de colère se multiplient, à l'IME comme à la maison. « La violence de Louca est tellement démesurée qu'elle se rapproche de la folie », écrira l'infirmière du centre, « ce qui est vrai », concèdent-ils. Leurs échanges s'enveniment. L'IME les accuse de ne pas lui donner ses traitements et émet un signalement au procureur de la République, en mai 2019, pour une injonction aux soins « afin que l'état prenne ses responsabilités ». Une situation pesante pour Louca, dont l'état se dégrade. En novembre, il commence à se faire vomir au point de perdre 17 kilos en quelques mois. En décembre, le médecin de famille lui signe un arrêt pour « mise en danger vitale ».

    L'escalade de la violence

    Après des années d'attente, « nous obtenons enfin une éducatrice spécialisée dans les TSA mais, dépassée par le comportement de Louca qui veut tout avaler et exprime son désir de lui faire du mal, elle demande son placement dans un hôpital psychiatrique, expliquent les parents. Nous acceptons, de peur que le centre nous reproche encore de faire preuve de mauvaise volonté. » Le début du « calvaire »… Louca effectuera ensuite plusieurs allers-retours entre son domicile, l'hôpital et l'IME, au sein d'un groupe qui « le met en difficulté et lui fait peur ». Le reprendre à plein temps à la maison ? « De la folie », selon ses parents car il représente « un danger pour lui-même, pour eux, pour ses sœurs ». Quelques mois plutôt, il menaçait l'une d'elles de lui planter un couteau dans le ventre « par curiosité ». « Chez nous, Louca est ingérable, il hurle, casse, frappe, cogne, se fait vomir, enduit son corps de ses selles, avale les cailloux, le gel douche… », se désolent ses parents, contraints de le surveiller nuit et jour. « Pour lui, la vie est insupportable, il veut mourir pour renaître en 'Loucas facile' et nous en veut de ne pas accéder à sa demande », poursuivent-ils.

    Créer une unité sur-mesure : une bouteille à la mer ?

    Pour protéger leur fils mais aussi leur famille, ils décident de le renvoyer en HP, sans alternative… « Rien n'est prévu pour aider et soulager les parents des crises clastiques de nos enfants », regrettent-ils. Alors, ils interpellent les associations, les avocats, les ministres et crient « leur détresse, leur rage, leur désespoir». En vain. Toujours la même réponse : il n'existe pas de structure adaptée. Ils demandent une dérogation pour un FAM (Foyer d'accueil médicalisé) ou une MAS (Maison d'accueil spécialisé). La Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) accepte mais il n'y a aucune place disponible, d'autant que Louca « requiert un accompagnement permanent trop lourd à gérer humainement ». A bout de force, ils réclament aujourd'hui la création d'une « unité sur-mesure et adaptée » en Gironde. Mais leur requête reste pour le moment lettre morte. Réponse de l'Agence régionale de santé ? Il faut remettre Louca dans son ancien IME, en internat cinq jours par semaine, en renforçant le personnel encadrant. Une « proposition incompréhensible et lamentable », selon les parents, car « Louca a déjà mis en échec cet accompagnement ».

    Des projets d'unités résidentielles

    La situation de Louca n'est pas sans rappeler celle de Dimitri Fargette, 40 ans, autiste, « incarcéré », selon sa famille, durant 17 ans en hôpital psychiatrique puis placé dans une Unité pour malades difficiles (UMD) où il est maintenu attaché, sous camisole chimique avec pas moins de quarante médicaments par jour (article en lien ci-dessous). Et ils sont loin d'être des cas isolés… Sur les 600 000 personnes autistes estimées en France, ils seraient environ un millier d'adultes avec des troubles si sévères qu'aucune solution ne leur est proposée. Faute de mieux, certains s'exilent en Belgique… La Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme et les TND ne nie pas ce constat. Pour y mettre un terme, la stratégie autisme prévoit la création de petites unités résidentielles, avec six personnes maximum qui s'appuieront sur les établissements médico-sociaux et le secteur sanitaire, notamment psychiatrique (article en lien ci-dessous). 4,4 personnes (éducateurs, aides, médecins…) en équivalent temps plein sont prévues pour assurer l'accompagnement 365 jours par an et 24h sur 24. Cet écosystème doit permettre de gérer les crises éventuelles et d'assurer la continuité des prises en charge lors des hospitalisations et prévoit des temps d'échange avec les familles. Objectif ? Offrir à ces « reclus de la société » un « lieu de vie pérenne » et « digne »… Mais pas avant 2022.

    Contactée par Handicap.fr, la Délégation à l'autisme assure avoir pris « connaissance du dossier » de Louca. Jugeant cette situation « intolérable », elle assure vouloir « construire avec les acteurs des solutions ». La maman nie pourtant avoir eu le moindre contact avec elle, même si elle obtenu une réponse de Jean Castex… Une réunion a été organisée le 1er avril, en présence de l'ARS et d'acteurs locaux. Ils promettent des « démarches » et « recherches » qui doivent « être menées au plus vite ». « D'ici-là, on fait quoi ? », interpelle la famille du jeune homme. Une date buttoir, pour une solution même temporaire, a été fixée par l'ARS au 26 avril. Sans grand espoir…

  • Confinement et covid : la psychiatrie appelle au secours

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    La psychiatrie face à une véritable course contre la montre pour assurer le suivi de ses 2,5 millions de patients. Selon une asso, la "grande vulnérabilité" de ce public dans un contexte épidémique "fait craindre une perte de chance intolérable".

     

    Dans une tribune publiée le 8 avril 2020 dans Le Parisien, une centaine de médecins s'inquiètent du sort des 12 millions de personnes souffrant de troubles psychiques (psychotiques, anxieux, schizophréniques…), très perturbés par le confinement et qui consultent beaucoup moins. « Ce sont les grands oubliés de la crise », martèle Marion Leboyer, directrice de FondaMental, fondation dédiée aux pathologies mentales, reprenant en écho les inquiétudes de l'ensemble des associations du champ du handicap. Les 2,5 millions de personnes prises en charge en psychiatrie, en ambulatoire ou en hospitalisation (…) restent dans l'angle mort de nos politiques publiques », ajoute-t-elle. Elle déplore « un plan blanc pour les hôpitaux, un plan bleu pour les Ehpad et rien pour la psychiatrie ! ».

    Un public particulièrement vulnérable

    La « grande vulnérabilité » de ce public dans un contexte épidémique « fait craindre une perte de chance intolérable ». D'autant que la prévalence accrue de pathologies associées (troubles cardio-vasculaires, diabète, hypertension…), 1,5 à 2 fois plus élevée qu'au sein de la population générale, constitue un facteur de risque d'infection sévère au Covid-19 pour ces patients, auxquelles il faut ajouter une difficulté à prendre en compte la douleur et exprimer leurs besoins en soins somatiques. Le risque d'une propagation de l'épidémie dans les hôpitaux psychiatriques serait-il particulièrement important ? Les personnes hospitalisées dans les unités de soins psychiatriques sont en effet des patients « debout », au contact les uns des autres. « En proie à des altérations de la mémoire et de la concentration, ils peuvent aussi éprouver plus de difficultés à respecter les règles de confinement et les gestes barrière », ajoute Marion Leboyer. Il est ainsi partout demandé à ce que ces patients, s'ils devaient être atteints du Covid19, restent dans les services de psychiatrie, dans des secteurs dédiés, sauf si leur état nécessite des soins de réanimation.

    Fermeture des accueils de jour

    Dans un contexte de crise et conformément aux directives gouvernementales, la Fondation FondaMental a dû suspendre la programmation des activités médicales non urgentes ; ainsi les consultations en Centres experts sont reportées, au risque de voir toute « pathologie préexistante s'aggraver », poursuit-elle. De son côté, l'Unafam tire le signal d'alarme sur la « continuité des soins, de l'accompagnement et l'effectivité des droits ». Cette association dédiée aux familles de personnes avec un handicap psychique se dit « confrontée à une profonde réorganisation des services hospitaliers et médico-sociaux ». Des changements qui « déstabilisent nécessairement le fragile équilibre sur lequel reposent à la fois la santé mentale des personnes et le système de la psychiatrie dans sa globalité ». Elle déplore la « fermeture de l'accueil des patients dans les unités de jour, les sorties d'hospitalisation accélérées et la mise en place du confinement dans les services restant opérationnels » qui « nécessite un engagement sans précédent du personnel ».

    Et en cas de contamination ?

    Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam, s'inquiète que « le manque de moyens des hôpitaux psychiatriques, s'ajoutant à un déficit en ressources humaines préexistant, ne pèse sur la capacité de l'hôpital à gérer sereinement cette crise (…) d'autant que les contaminations des soignants se multiplient ». Dans ce contexte, un nombre grandissant d'établissements psychiatriques ont créé des unités dédiées au Covid-19 pour permettre le traitement des patients psychiatriques infectés, tout en préservant la santé des soignants. Interpellé sur un possible « tri » des malades, notamment ceux avec un handicap psychique, au moment de l'admission en réanimation, Olivier Véran, ministre de la Santé, a réagi : « Je ne peux pas imaginer que cette pratique existe » et « le handicap ne doit pas être un critère de refus de soins, que l'on parle d'une hospitalisation simple ou d'une réanimation ».

    Des options ambulatoires

    Dans les services hospitaliers qui restent ouverts, le confinement conduit à la suspension des sorties thérapeutiques et des visites, ce qui perturbe le quotidien des patients et leur lien avec leurs proches. Certains hôpitaux ont donc mis en place des moyens dématérialisés : newsletters, numéros dédiés aux familles, autorisation de l'usage des téléphones portables et connections Internet… Pour ceux qui, à l'inverse, sont suivis en ambulatoire, la continuité des soins est assurée via des appels téléphoniques, soutien psychologique, téléconsultations médicales, visites à domicile, guides d'auto soins… Mais elle varie selon les hôpitaux. Une crise, selon l'Unafam, « révélatrice des inégalités territoriales ». 

    Familles en première ligne

    Beaucoup de malades, souvent seuls, dans l'incapacité de faire face au confinement ou d'aller acheter leur médicament ou de quoi se nourrir, ont dû revenir vivre dans leurs familles. En première ligne, ces dernières souffrent, selon l'Unafam, d'une « grande solitude », d'autant que « les troubles peuvent être amplifiés par la situation actuelle » (article en lien ci-dessous). Dans ce contexte, l'association regrette l'absence de numéro unique à appeler en cas de décompensation sévère ou de risque suicidaire, le 15 ne pouvant pas, selon elle, « absorber ces demandes ». Rappelons qu'Emmanuel Macron a annoncé le, 1er avril 2020, un aménagement des règles de confinement pour certaines personnes handicapées, notamment psychiques, en les autorisant à sortir « un peu plus souvent » dans des lieux « porteurs de repères rassurants » (article en lien ci-dessous). 

    Inspirer la psychiatrie de demain ?

    Pour Marie-Jeanne Richard, si, aujourd'hui la réponse est à l'urgence, il « faut se préparer à une crise longue, qui va profondément bouleverser le secteur psychiatrique ». Un brin d'optimisme pourtant… Les idées innovantes qui se déploient pourraient « ouvrir la voie à de nouvelles pratiques qu'il sera intéressant d'évaluer et pourquoi pas de conserver à la sortie de la crise », assure-t-elle. Pour Marion Leboyer, elles doivent « inspirer la psychiatrie française » afin de répondre, demain, « à une nouvelle situation épidémique et à ses effets négatifs en termes de santé mentale sur la population française ».

    Quels soutiens ?

    • En cas de grande détresse psycho-sociale (caractère anxiogène du confinement, sentiment d'insécurité, difficultés relationnelles…), appelez le 15.

    • L'Unafam a mis en place un dispositif complet qui permet, entre autres, de contacter les bénévoles par téléphone dans chaque département, de confier ses inquiétudes à la cellule « Ecoute famille » ou encore de maintenir des permanences juridiques et psychiatriques par téléphone. L'association fait également deux fois par semaine le lien avec la cellule de crise du comité de pilotage de psychiatrie.

    • Sur son site, la Fondation FondaMental publie quelques fiches pour inciter son public à « prendre soin de sa santé mentale » durant ce confinement voué à perdurer : faire face aux dépendances, pratiquer du sport pour combattre le stress, comprendre les mécanismes neurologiques de la panique… Mais aussi comment se protéger des fausses informations.
    https://www.fondation-fondamental.org/sites/default/files/enc4-_prendresoindevotresantepsychiqueencasdedistanciationsociale.pdf

    • Club house, association qui favorise le retour à l'emploi des personnes avec un handicap psychique, a fermé ses maisons d'accueil en France mais assure toujours le suivi de ses membres à distance.

    • L'association Espairs propose une ligne téléphonique de soutien (04 26 73 87 99) animée par des « pairs aidants » afin de maintenir un contact et de limiter les angoisses.

    • L'Apajh met en place des outils pour maintenir le contact avec les personnes en situation de handicap mental et/ou psychique.

    • Le Psycom recense sur son site des ressources pour prendre soin de notre santé mentale et de celle des autres, en période d'épidémie.
    http://www.psycom.org/Espace-Presse/Actualites-du-Psycom/Epidemie-et-confinement-ressources-utiles-pour-notre-sante-mentale.fr

    • Il est prévu que les Centres médico-psychologiques (CMP) renforcent leur accueil téléphonique pour que les personnes en situation de détresse psychique puissent obtenir une réponse et assurent les prises en charge en urgence des situations de crise.

    • Enfin, une étude est menée par l'équipe de l'Unité de psychothérapies et de psychoéducation de l'hôpital du Vinatier à Lyon, en collaboration avec l'Unafam, pour évaluer les conséquences du confinement sur les familles/aidants accompagnant un proche vivant avec des troubles psychiques et de recueillir leurs besoins spécifiques (en lien ci-dessous). Il suffit d'une vingtaine de minutes pour y répondre… 

  • Handicap : reconduite, Sophie Cluzel maintient le cap

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    En période de crise, "hors de question que le handicap soit la variable d'ajustement", affirme Sophie Cluzel. Reconduite, la secrétaire d'Etat dévoile les enjeux des 2 prochaines années : autonomie, démarches simplifiées, emploi, accompagnement.

     

    Handicap.fr : Comment avez-vous vécu cette vingtaine de jours incertains, en attendant la nomination des secrétaires d'Etat ?
    Sophie Cluzel : Dans une période très compliquée pour les personnes en situation de handicap, le temps semble long. Mais nous avions bien préparé cette sortie de confinement pour répondre à leurs besoins et faire en sorte que les administrations prennent le relai. En attendant que le Président et le Premier ministre me confirment dans mes fonctions, ce délai m'a aussi permis de réfléchir sur la manière de redémarrer le plus vite possible. Il s'agit désormais de travailler dans la continuité, tout en accélérant les réponses aux besoins des personnes.

    H.fr : Durant cette période de latence, le Secrétariat d'Etat était-il complètement à l'arrêt ?
    SC : Une permanence était assurée par les administrations pour ne laisser personne sans réponse. Et le secrétariat général du Comité interministériel du handicap (CIH) et la Délégation interministérielle à l'autisme (DIA) sont, eux aussi, toujours restés aux manettes.

    H.fr : Des associations ont redouté la disparition du Secrétariat d'Etat au Handicap, pensant qu'il aurait pu être englobé dans le ministère de l'Autonomie géré par Brigitte Bourguignon…
    SC : J'insiste fermement sur ce point, le Secrétariat d'Etat au Handicap auprès du Premier ministre n'a jamais été remis en question, compte-tenu de l'interministérialité du sujet, de la feuille de route et des engagements pris lors de la CNH de février 2020. Le handicap reste la priorité du quinquennat.

    H.fr : La disparition du secrétariat d'Etat au Handicap pourrait-elle être envisagée à terme ?
    SC : Je l'espère sincèrement. Car cela signifiera que la politique déployée en faveur des personnes handicapées et de leurs proches aidants aura porté ses fruits sur la scolarisation, l'emploi et l'accessibilité notamment, et que l'inclusion sera naturelle. Mais aujourd'hui, le Secrétariat d'Etat demeure indispensable pour travailler sur l'accessibilité de notre société et atteindre nos objectifs.

    H.fr : Avez-vous prévu de travailler en collaboration avec le ministère de l'Autonomie ?
    SC : Bien sûr ! A peine reconduite, j'échangeai déjà avec Brigitte Bourguignon pour plancher notamment sur la 5e branche (article en lien ci-dessous), les stratégies déployées pour soutenir les aidants et le projet de loi Grand âge et autonomie. Ce dernier aura notamment pour ambition de répondre aux besoins des personnes : pouvoir vieillir chez elles, avoir un accès aux soins, être accompagnées... En perspective, il s'agit de construire ensemble une feuille de route très complémentaire.

    H.fr : La création de ce ministère est-elle finalement une aubaine pour vous et pour les personnes en situation de handicap ? L'occasion d'avoir plus de poids, de convergences…
    SC : Exactement. C'est toute la définition et l'ambition que porte cette 5e branche pour le soutien à l'autonomie... Nous avons l'ambition qu'elle devienne historique et contribue à améliorer la prise en compte des besoins des personnes âgées et/ou handicapées.

    H.fr : Cette 5e branche, qu'est-ce cela va changer concrètement pour les personnes en situation de handicap ? Un risque de dilution dans les questions liées au grand âge ?
    SC : Pas du tout. Le ministère de la Santé, celui des Comptes publics et le secrétariat d'Etat au Handicap ont missionné ensemble Laurent Vachey sur ce sujet afin d'aboutir à la concertation la plus large possible. Par ailleurs, nous allons recevoir, fin août 2020, avec Brigitte Bourguignon, l'ensemble des associations du champ du handicap, pour échanger et travailler en concertation afin de favoriser une approche universelle de cette 5e branche et permettre d'atteindre une plus grande équité territoriale.

    H.fr : Quel bilan tirez-vous de la période de confinement ? Quels sont les domaines ou filières du champ du handicap qui ont le plus souffert ?
    SC : La pandémie n'est pas terminée, il est important de le rappeler. La priorité est de protéger les personnes les plus vulnérables, mais aussi de soulager les familles, notamment en organisant des séjours de répit et des vacances adaptées. Il faut tenir compte du fait également que des établissements sont fermés cet été. C'est dans cette optique que nous avons créé en juin le 0 800 360 360 (ndlr, un numéro unique national d'appui, gratuit, visant à apporter de l'aide aux personnes en situation de handicap et aux aidants en grande difficulté suite au confinement, article en lien ci-dessous), que nous allons continuer à déployer sur l'ensemble de nos territoires. Il faut désormais capitaliser également sur ce que la crise nous a paradoxalement permis de mettre en œuvre dans une situation d'urgence : simplification des démarches, prorogation des droits et des réponses de proximité aux personnes. Par ailleurs, cette crise sanitaire va avoir un impact majeur sur le secteur économique et social, et par conséquent la mobilisation doit s'organiser pour l'emploi des personnes handicapées. Un sujet exigeant que je continuerai à porter avec force et pugnacité.

    H.fr : Comment, dans cette crise sans précédent, avec un taux de chômage record, préserver l'accès à l'emploi des personnes handicapées ? Les entreprises n'auront-elles pas d'autres priorités pour assurer leur survie ?
    SC : Avant la crise, des efforts énormes engagés par plusieurs ministères ont permis d'obtenir des résultats encourageants : baisse du taux de chômage des PH de 3,9 % en 2019, entrées en formation massive (15 % grâce au plan d'investissement des compétences) ... Il est hors de question que le handicap puisse être considéré comme une variable d'ajustement. J'ai déjà mobilisé les entreprises, les organisations syndicales pour qu'elles restent en alerte avec pour objectif de remobiliser complètement le tissu économique et de le rappeler à ses engagements, dans la continuité de la charte du Manifeste inclusion signée par plus de 140 chefs d'entreprise.

    H.fr : Faut-il s'attendre, malgré tout, à un impact conséquent sur les personnes handicapées ?
    SC : Il ne faut pas se le cacher, la crise économique va impacter, et impacte déjà, l'ensemble des Français. Mais je suis combative et m'opposerai fermement à toute forme de discrimination. Je me suis récemment entretenue avec Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, pour déployer au maximum l'emploi accompagné. Avec Elisabeth Borne, ministre du Travail, nous venons d'échanger afin d'ancrer dans la feuille de route du Plan de Relance tous les dispositifs de relance inclusive. Sans relâche, je continuerai d'explorer toutes les mesures possibles pour ce sujet majeur qu'est l'accompagnement dans l'emploi.

    H.fr : Des associations se plaignent que le Ségur de la santé mentionne si peu le handicap. Etait-ce son objectif ? D'autres échéances plus importantes à venir sur cette question ?
    SC : Le Ségur a été lancé par Olivier Véran, ministre de la Santé, et le Premier ministre avec pour objectif initial de mobiliser autour de l'hôpital. Pour autant, des réflexions sur la revalorisation des métiers des services à domicile ont notamment été évoquées. Il faut considérer le Ségur comme un tremplin pour aller plus loin.

    H.fr : Jean Castex a annoncé, lors de sa déclaration de politique générale, la tenue d'une Conférence nationale du handicap, sans en préciser la date, seulement quelques mois après celle de février 2020, alors qu'elles doivent en principe avoir lieu tous les trois ans. Pourquoi un tel engagement ?
    SC : Très précisément, Jean Castex a annoncé pour l'automne, dans le prolongement de la dynamique accompagnant la Conférence nationale du handicap de février dernier, une grande mobilisation générale autour du handicap afin d'aller plus vite et plus loin.


    H.fr : Elle n'aura donc pas la configuration des CNH habituelles, accueillies notamment à l'Elysée ?
    SC : Nous sommes en train de travailler avec les services du Premier ministre, ainsi que les ministères concernés, pour en définir les modalités.

    H.fr : Quelles seront les priorités du gouvernement en matière de handicap dans les deux prochaines années ?
    SC : Dans ce contexte de crise sanitaire, économique et sociale, le maître-mot est l'inconditionnalité de l'accompagnement, qui a été réaffirmé par le Président de la République. Dans cet objectif, nous devons notamment formuler une réponse de proximité, et je suis déterminée à me déplacer fréquemment au plus près des personnes en situation de handicap ainsi que des acteurs associatifs et médico-sociaux pour évaluer la mise en œuvre de ces mesures (simplification des démarches, accès aux droits...).

    H.fr : Un autre enjeu majeur ?
    SC : réussir la rentrée scolaire avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education ! La scolarisation pour tous est un travail de longue haleine. Je veux également continuer de capitaliser sur les progrès réalisés en matière d'accessibilité des moyens de communication de l'Etat (ndlr : interprète langue des signes sur les prises de paroles du gouvernement), indéniablement saluée par tous durant la crise. L'enjeu n'est pas seulement de bien informer mais aussi de bien communiquer sur toutes les mesures et dispositifs au service des personnes en situation de handicap.