Handicap : reconduite, Sophie Cluzel maintient le cap

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En période de crise, "hors de question que le handicap soit la variable d'ajustement", affirme Sophie Cluzel. Reconduite, la secrétaire d'Etat dévoile les enjeux des 2 prochaines années : autonomie, démarches simplifiées, emploi, accompagnement.

 

Handicap.fr : Comment avez-vous vécu cette vingtaine de jours incertains, en attendant la nomination des secrétaires d'Etat ?
Sophie Cluzel : Dans une période très compliquée pour les personnes en situation de handicap, le temps semble long. Mais nous avions bien préparé cette sortie de confinement pour répondre à leurs besoins et faire en sorte que les administrations prennent le relai. En attendant que le Président et le Premier ministre me confirment dans mes fonctions, ce délai m'a aussi permis de réfléchir sur la manière de redémarrer le plus vite possible. Il s'agit désormais de travailler dans la continuité, tout en accélérant les réponses aux besoins des personnes.

H.fr : Durant cette période de latence, le Secrétariat d'Etat était-il complètement à l'arrêt ?
SC : Une permanence était assurée par les administrations pour ne laisser personne sans réponse. Et le secrétariat général du Comité interministériel du handicap (CIH) et la Délégation interministérielle à l'autisme (DIA) sont, eux aussi, toujours restés aux manettes.

H.fr : Des associations ont redouté la disparition du Secrétariat d'Etat au Handicap, pensant qu'il aurait pu être englobé dans le ministère de l'Autonomie géré par Brigitte Bourguignon…
SC : J'insiste fermement sur ce point, le Secrétariat d'Etat au Handicap auprès du Premier ministre n'a jamais été remis en question, compte-tenu de l'interministérialité du sujet, de la feuille de route et des engagements pris lors de la CNH de février 2020. Le handicap reste la priorité du quinquennat.

H.fr : La disparition du secrétariat d'Etat au Handicap pourrait-elle être envisagée à terme ?
SC : Je l'espère sincèrement. Car cela signifiera que la politique déployée en faveur des personnes handicapées et de leurs proches aidants aura porté ses fruits sur la scolarisation, l'emploi et l'accessibilité notamment, et que l'inclusion sera naturelle. Mais aujourd'hui, le Secrétariat d'Etat demeure indispensable pour travailler sur l'accessibilité de notre société et atteindre nos objectifs.

H.fr : Avez-vous prévu de travailler en collaboration avec le ministère de l'Autonomie ?
SC : Bien sûr ! A peine reconduite, j'échangeai déjà avec Brigitte Bourguignon pour plancher notamment sur la 5e branche (article en lien ci-dessous), les stratégies déployées pour soutenir les aidants et le projet de loi Grand âge et autonomie. Ce dernier aura notamment pour ambition de répondre aux besoins des personnes : pouvoir vieillir chez elles, avoir un accès aux soins, être accompagnées... En perspective, il s'agit de construire ensemble une feuille de route très complémentaire.

H.fr : La création de ce ministère est-elle finalement une aubaine pour vous et pour les personnes en situation de handicap ? L'occasion d'avoir plus de poids, de convergences…
SC : Exactement. C'est toute la définition et l'ambition que porte cette 5e branche pour le soutien à l'autonomie... Nous avons l'ambition qu'elle devienne historique et contribue à améliorer la prise en compte des besoins des personnes âgées et/ou handicapées.

H.fr : Cette 5e branche, qu'est-ce cela va changer concrètement pour les personnes en situation de handicap ? Un risque de dilution dans les questions liées au grand âge ?
SC : Pas du tout. Le ministère de la Santé, celui des Comptes publics et le secrétariat d'Etat au Handicap ont missionné ensemble Laurent Vachey sur ce sujet afin d'aboutir à la concertation la plus large possible. Par ailleurs, nous allons recevoir, fin août 2020, avec Brigitte Bourguignon, l'ensemble des associations du champ du handicap, pour échanger et travailler en concertation afin de favoriser une approche universelle de cette 5e branche et permettre d'atteindre une plus grande équité territoriale.

H.fr : Quel bilan tirez-vous de la période de confinement ? Quels sont les domaines ou filières du champ du handicap qui ont le plus souffert ?
SC : La pandémie n'est pas terminée, il est important de le rappeler. La priorité est de protéger les personnes les plus vulnérables, mais aussi de soulager les familles, notamment en organisant des séjours de répit et des vacances adaptées. Il faut tenir compte du fait également que des établissements sont fermés cet été. C'est dans cette optique que nous avons créé en juin le 0 800 360 360 (ndlr, un numéro unique national d'appui, gratuit, visant à apporter de l'aide aux personnes en situation de handicap et aux aidants en grande difficulté suite au confinement, article en lien ci-dessous), que nous allons continuer à déployer sur l'ensemble de nos territoires. Il faut désormais capitaliser également sur ce que la crise nous a paradoxalement permis de mettre en œuvre dans une situation d'urgence : simplification des démarches, prorogation des droits et des réponses de proximité aux personnes. Par ailleurs, cette crise sanitaire va avoir un impact majeur sur le secteur économique et social, et par conséquent la mobilisation doit s'organiser pour l'emploi des personnes handicapées. Un sujet exigeant que je continuerai à porter avec force et pugnacité.

H.fr : Comment, dans cette crise sans précédent, avec un taux de chômage record, préserver l'accès à l'emploi des personnes handicapées ? Les entreprises n'auront-elles pas d'autres priorités pour assurer leur survie ?
SC : Avant la crise, des efforts énormes engagés par plusieurs ministères ont permis d'obtenir des résultats encourageants : baisse du taux de chômage des PH de 3,9 % en 2019, entrées en formation massive (15 % grâce au plan d'investissement des compétences) ... Il est hors de question que le handicap puisse être considéré comme une variable d'ajustement. J'ai déjà mobilisé les entreprises, les organisations syndicales pour qu'elles restent en alerte avec pour objectif de remobiliser complètement le tissu économique et de le rappeler à ses engagements, dans la continuité de la charte du Manifeste inclusion signée par plus de 140 chefs d'entreprise.

H.fr : Faut-il s'attendre, malgré tout, à un impact conséquent sur les personnes handicapées ?
SC : Il ne faut pas se le cacher, la crise économique va impacter, et impacte déjà, l'ensemble des Français. Mais je suis combative et m'opposerai fermement à toute forme de discrimination. Je me suis récemment entretenue avec Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, pour déployer au maximum l'emploi accompagné. Avec Elisabeth Borne, ministre du Travail, nous venons d'échanger afin d'ancrer dans la feuille de route du Plan de Relance tous les dispositifs de relance inclusive. Sans relâche, je continuerai d'explorer toutes les mesures possibles pour ce sujet majeur qu'est l'accompagnement dans l'emploi.

H.fr : Des associations se plaignent que le Ségur de la santé mentionne si peu le handicap. Etait-ce son objectif ? D'autres échéances plus importantes à venir sur cette question ?
SC : Le Ségur a été lancé par Olivier Véran, ministre de la Santé, et le Premier ministre avec pour objectif initial de mobiliser autour de l'hôpital. Pour autant, des réflexions sur la revalorisation des métiers des services à domicile ont notamment été évoquées. Il faut considérer le Ségur comme un tremplin pour aller plus loin.

H.fr : Jean Castex a annoncé, lors de sa déclaration de politique générale, la tenue d'une Conférence nationale du handicap, sans en préciser la date, seulement quelques mois après celle de février 2020, alors qu'elles doivent en principe avoir lieu tous les trois ans. Pourquoi un tel engagement ?
SC : Très précisément, Jean Castex a annoncé pour l'automne, dans le prolongement de la dynamique accompagnant la Conférence nationale du handicap de février dernier, une grande mobilisation générale autour du handicap afin d'aller plus vite et plus loin.


H.fr : Elle n'aura donc pas la configuration des CNH habituelles, accueillies notamment à l'Elysée ?
SC : Nous sommes en train de travailler avec les services du Premier ministre, ainsi que les ministères concernés, pour en définir les modalités.

H.fr : Quelles seront les priorités du gouvernement en matière de handicap dans les deux prochaines années ?
SC : Dans ce contexte de crise sanitaire, économique et sociale, le maître-mot est l'inconditionnalité de l'accompagnement, qui a été réaffirmé par le Président de la République. Dans cet objectif, nous devons notamment formuler une réponse de proximité, et je suis déterminée à me déplacer fréquemment au plus près des personnes en situation de handicap ainsi que des acteurs associatifs et médico-sociaux pour évaluer la mise en œuvre de ces mesures (simplification des démarches, accès aux droits...).

H.fr : Un autre enjeu majeur ?
SC : réussir la rentrée scolaire avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education ! La scolarisation pour tous est un travail de longue haleine. Je veux également continuer de capitaliser sur les progrès réalisés en matière d'accessibilité des moyens de communication de l'Etat (ndlr : interprète langue des signes sur les prises de paroles du gouvernement), indéniablement saluée par tous durant la crise. L'enjeu n'est pas seulement de bien informer mais aussi de bien communiquer sur toutes les mesures et dispositifs au service des personnes en situation de handicap.

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