"L'âge d'or" : la danse fait sauter le handicap

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Mardi matin à l'Institut médico-éducatif Saint-Thys (10e), qui accueille des enfants handicapés moteurs.

Aloun, Yanis et Éric, lors d’un atelier danse contact mardi matin à l’Institut Saint-Thys (10e).

C’est l’ultime répétition, la veille de leur départ pour Paris.

Ce jour-là, comme chaque semaine, les danseurs de la compagnie Shonen, Éric, Jeanne, Aloun, Nans, ont investi le gymnase en compagnie de Léa, Sarah, 18 ans, Yanis, 11 ans, Maëlle, 8 ans, Seyit-Ali, 7 ans, qui se déplacent en fauteuil roulant.

À J-1 avant leur départ pour Paris, où ils donnent une performance au Palais de Tokyo, l'excitation est palpable. Léa et Sarah mitraillent de questions leur éducatrice sur leur séjour, à l'aide d'un cahier posé sur leurs genoux, leur élocution étant difficile : y a-t-il un ascenseur dans l'hôtel ? Qui conduit la voiture pour Paris ? Sarah ajoute qu'elle "ne va pas dormir ce soir".

L'atelier de danse contact a démarré. En toute confiance, Yanis se laisse porter par Éric et Aloun. "Roule comme un caillou dans la rivière", lui demande le danseur. Maëlle, d'ordinaire très agitée, regarde tranquillement les autres, attendant son tour sur le tapis de gym. Place à Seyit-Ali, un petit garçon au regard profond, et c'est sur la direction du regard qu'Aloun joue avec lui. Cette connection entre ces deux corps, dits valide et invalide, se joue à une toute petite échelle, avec délicatesse, à travers des mouvements infimes.

Dans l'interaction, l'idée même d'invalidité perd son sens tant Seyit-Ali est à l'aise. "La pièce s'appelle l'Âge d'or car nous voulions proposer une utopie, explique Aloun, danseur qui bénéficie d'une solide expérience de danse intégrée en Suède et a cosigné la pièce avec Éric Minh Cuong Castaing. L'âge d'or, c'est une époque de la mythologie romaine d'harmonie et d'abondance. Nous voulions créer un contexte de danse commun qui dépasse la situation de handicap."

Leur spectacle, qui mêle un film et leur performance live, est le fruit d'une aventure au long cours démarrée en 2016. Récompensé par le Prix Audi talents, il est programmé au palais de Tokyo, puis au festival de Marseille."Il est important que la pièce soit présentée dans des lieux d'art, car elle a une valeur esthétique, estime Eric Minh Cuong Castaing. Notre travail n'est pas seulement dirigé pour les enfants, pour les soigner, il est dirigé vers le spectateur.

 

"Pour le chorégraphe, cette expérience de "danse inclusive" est nouvelle. Il y a deux ans, le festival de Marseille lui a en effet proposé de mener des ateliers à Saint-Thys. "Le premier jour de rencontre a été difficile, je ne sentais rien de commun entre mon travail et les enfants, raconte-t-il. Le lendemain, j'ai mené un atelier de danse contact et ça a été le déclic. Le soir, je me suis posé la question : qu'est-ce que la beauté ? Et je me suis totalement remis en question." Cette expérience s'inscrit dans une démarche artistique globale. "J'aime croiser l'institution de l'art avec d'autres institutions, poursuit le chorégraphe. Dans ma précédente pièce, j'avais travaillé avec l'Éducation nationale par exemple. Dans la prochaine pièce, Phoenix, j'ai collaboré avec un danseur palestinien à Gaza. Je mène toujours mes recherches sur le terrain, hors des théâtres."

Son Âge d'or n'a apporté que des bénéfices à l'Institut Saint-Thys. "Les thérapeutes ont constaté un vrai changement, les enfants font davantage preuve à la fois de relâchement et de contrôle, témoigne Colette Limouzin, directrice de l'établissement. La plupart d'entre eux souffrent de dystonie (mouvements involontaires ndlr.), difficiles à gérer pour les thérapeutes. Ils se sont atténués ou ont disparu avec la danse."

Les deux tournages de film ont contribué à souder le groupe, "comme une troupe qui doit se produire devant un public", et à motiver l'équipe soignante. "Contrairement à la compagnie Shonen, nous ne cherchons ni à faire de l'art, ni à soigner avec ce dispositif : nous poursuivons un objectif de rencontre et de mixité entre des jeunes d'horizons différents. L'âge d'or a été d'autant plus intéressant que les danseurs ont mené des ateliers au collège Massenet, avec des jeunes valides et des jeunes de Saint Thys."

Dans l'immédiat, le vernissage au Palais de Tokyo et les quatre représentations données jusqu'à dimanche posent un certain nombre de défis logistiques à l'équipe de Saint-Thys. Après ce déplacement, les danseurs seront également à l'honneur dans leur ville, au festival de Marseille. Décidément, l'Âge d'ordonne des ailes.

 

Source : La Provence.fr

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