Enseignement supérieur, parent pauvre des politiques publiques handicap ? A l'occasion du lancement du Comité national de suivi de l'Université inclusive, les grandes écoles font des propositions concrètes et simples. Pour faire bouger les lignes?
Un enseignement supérieur plus inclusif ? Le 12 mai 2021, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, ont lancé la première séance du Comité national de suivi de l'université inclusive en présence de Frédérique Vidal, sa consœur de l'Enseignement supérieur. Il réunit les ministères concernés, les établissements d'enseignement supérieur ainsi que les associations.
Quoi de neuf ?
A la sortie, les ministres annoncent que « les coopérations entre les professionnels des missions handicap des universités et grandes écoles avec celles des professionnels du secteur médicosocial se sont renforcées afin d'appréhender l'étudiant dans sa globalité. » Deux groupes de travail sont également mis en place : l'un consacré à la question de l'articulation entre enseignement scolaire et supérieur, le second à l'accessibilité globale. Objectif ? Plus de réponses à l'accessibilité des formations, de la vie étudiante dans toutes ses dimensions, des environnements numériques, des contenus et mesures de compensation (aide humaine, aide technique et aménagements des examens). Quant à l'Association des professionnels d'accompagnement du handicap dans l'enseignement supérieur (APACHES), elle a récemment publié un « Guide handicap et études supérieures » (en lien ci-dessous), complété par des vidéos qui encouragent à se faire connaître des référents handicap afin de bénéficier de l'accompagnement adapté. Enfin, le nombre de contrats doctoraux (présentant une thèse) réservés aux étudiants en situation de handicap attribués aux établissements sur les fonds du ministère va passer de 25 à 30.
17 propositions de la CGE
La Conférence des grandes écoles (CGE), qui regroupe 299 d'entre elles en France, entend ne pas rater ce coche. Son groupe de travail « handicap », qui depuis dix ans s'implique en faveur des étudiants handicapés, dévoile d'autres pistes, « concrètes et simples » pour améliorer les « politiques publiques et de terrain » et permettre ainsi « à tout jeune de suivre la formation dans le domaine qui le passionne ». 17 propositions au total, élaborées par la cinquantaine de référents handicap membres de la CGE. Si elles doivent servir de « socle » pour « alimenter les échanges et les travaux du Comité national », elles seront également soumises aux candidats de l'Élection présidentielle de 2022. Elles portent notamment sur les reconnaissances administratives, la transition du secondaire vers le supérieur ou encore le maintien des aménagements nécessaires… Plus largement, elles favorisent l'accès au logement et à l'accompagnement au quotidien, au sport et à la vie sociale étudiante -rappelons d'ailleurs à ce sujet que le label « 100 % Handinamique » lancé en avril 2021 encourage les associations étudiantes à proposer un campus plus handi-accueillant (article en lien ci-dessous)-.
2 mesures phares
Parmi ces mesures, deux priorités. Tout d'abord la création d'une Commission départementale de l'enseignement supérieur inclusif (CDESI), qui aurait pour mission de traiter l'intégralité des besoins et demandes de l'étudiant en matière d'aménagements. « En effet, la plupart des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ne répondent plus aux demandes spécifiques des étudiants dans le cadre de leurs cursus », observe la CGE. En réunissant différents acteurs (médecins, spécialistes, référents handicap, médecine universitaire), elle pourrait, dans chaque département, « permettre d'éviter les différences de traitements », avec une « réponse rapide » et une solution pour les étudiants internationaux en situation de handicap (à l'heure même où un statut international est à l'étude, article en lien ci-dessous). En cas de transfert d'un dossier entre deux départements, cette commission faciliterait le maintien des droits.
Deuxième axe majeur, la création d'un Statut d'apprenant en situation de handicap (SASH), dont l'étudiant pourra bénéficier durant son cursus et lors des périodes de stage ou d'apprentissage en entreprise. Il viserait à « simplifier les démarches administratives parfois lourdes et complexes (aménagements dans la scolarité, demandes d'allocation d'aides financières…) ».
Le parent pauvre
Un peu moins de 2 % d'étudiants en situation de handicap dans les établissements sous la tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et membres de la CGE ! Même si ce nombre est en évolution depuis 2005, le bilan reste mitigé. De l'aveu de Vincenzo Esposito Vinzi, président de la commission diversité de la CGE et directeur de l'ESSEC, « malgré les différents dispositifs mis en place ces dernières années, l'enseignement supérieur reste encore le parent pauvre des politiques publiques en matière de handicap en France, en comparaison avec celui allant de la maternelle au secondaire et avec l'accompagnement des travailleurs en situation de handicap ». De nombreux bacheliers sont encore contraints de renoncer aux études par manque d'accessibilité de certaines filières, d'infos ou à cause d'obstacles adjacents (vie quotidienne, isolement, transport, logement…). La CGE propose donc de «décloisonner les modes de fonctionnement et de coopération », appelant les professionnels à « travailler ensemble » pour créer des « outils communs ». Une première réponse a été apportée avec la rédaction d'un livre blanc disponible en ligne depuis le 12 mai 2021