Elèves dys, handicapés, allophones... Comment ces adolescents, aux besoins d'apprentissage particuliers, sont-ils intégrés dans les collèges , vivent-ils l'alternance liée à la pandémie, entre cours virtuels et présentiels ? Trois profs témoignent...
Les trois correspondants réguliers de l'AFP, professeurs en collège public, racontent la manière dont ils tentent d'adapter leurs méthodes d'enseignement et d'évaluation pour ces élèves dys, handicapés, allophones qui livrent des "efforts presque surhumains" afin de suivre le rythme.
Céline : "Des marathoniens"
Céline, 45 ans, professeure d'histoire-géographie dans un collège classé REP+ d'une ville moyenne du Haut-Rhin :
"Il y a des élèves atteints de dyslexie dans presque toutes les classes. Certains nécessitent une prise en charge particulière, avec des accompagnants pour certaines matières. Lors des cours en distanciel, c'est très difficile pour eux à la maison. On ne peut pas leur demander de reformuler s'ils ne comprennent pas un énoncé par exemple, il y a souvent des problèmes de concentration. Je me souviens aussi d'un élève malvoyant, que j'ai eu pendant deux années. Il fallait envoyer deux semaines en avance les documents étudiés en classe pour que des personnes au rectorat puissent augmenter les polices, les tailles des cartes, mettre des couleurs plus tranchées... Tous ces élèves m'ont marquée. Une journée de classe leur demande des efforts presque surhumains. J'avais une élève dont la maman m'expliquait que sa fille s'endormait le soir sur son travail... Ce sont des marathoniens, héroïques : c'est tous les jours de leur scolarité qu'ils doivent déployer tous ces efforts, avec des phases de découragement."
Philippe : "Pérenniser les accompagnants"
Philippe, 54 ans, enseigne l'histoire-géographie dans un village du Puy-de-Dôme :
"Dans mes classes, il y a quelques élèves aux besoins particuliers. Ces élèves handicapés à différent titre ne me paraissent pas exclus des autres jeunes. Ces élèves sont mis dans des classes sans que nous, enseignants, ayons été formés. Je dois donc me conformer à certaines prescriptions mises dans ces dispositifs ; pour certains, cela consiste à réduire le nombre de questions lors d'une évaluation ; pour d'autres, il faut fournir des documents écrits plus gros. Mais, il y a des limites : certains handicaps sont sans doute trop lourds pour une bonne prise en compte dans un collège. Il faudrait aussi des accompagnants plus nombreux et, surtout, plus durables. Si je ne fais pas d'erreur, dans mon établissement, je n'ai pas vu une accompagnante - et oui ce sont très majoritairement des emplois occupés par des femmes - faire plus de deux années scolaires."
Camille : "Pas toujours bien intégrés"
Camille, 39 ans, professeure d'histoire-géographie dans un collège classé REP+ d'une petite ville des Yvelines :
"Les élèves aux besoins spécifiques ne sont pas toujours bien intégrés. Dans le cas des allophones (nouvellement arrivés en France, ndlr), ils ont tendance à rester entre eux, leurs camarades les traitant parfois de 'bledards'. Le but étant qu'ils pratiquent au maximum le français, ce n'est pas l'idéal. L'adaptation se passe, en ce qui me concerne, surtout dans la manière d'évaluer. Certains élèves ont de grosses difficultés à l'écrit. Je leur propose donc une évaluation orale. J'essaie de me former moi-même mais j'avoue que, même si je prends de mieux en mieux la mesure et la réalité pour les élèves de ces problèmes, je me sens souvent impuissante. J'ai de plus en plus d'élèves en sixième qui sont incapables de se repérer sur une carte ou une frise chronologique. J'ai beau expliquer et réexpliquer, je vois bien que je n'ai pas les clés pour les faire progresser. Pour moi, l'école inclusive est le fait de prendre en compte les besoins des élèves et de s'interroger sur la pluralité des intelligences. Aujourd'hui, nous avons pris conscience que certains élèves en difficultés scolaires n'étaient pas des cancres, mais qu'ils ne pouvaient pas être en situation de réussite en raison d'un mode de fonctionnement cognitif différent."