Greffe bras-épaules : la prouesse qui va changer sa vie

Imprimer

En janvier 1998, la vie de Félix Gretarsson bascule. Une ligne à haute tension lui brûle les mains, l'amputation est inévitable. Deux décennies plus tard, cet Islandais de 48 ans reçoit une greffe des bras et des épaules, à Lyon. Opération inédite !

 

12 janvier 1998. Félix Gretarsson, 26 ans, tombe littéralement de « quatre étages ». Cet électricien islandais touche une ligne à haute tension non protégée et est immédiatement foudroyé par 11 000 volts. Après une chute de plus de dix mètres, sa colonne vertébrale est fracturée à trois endroits, ses bras et son cou sont brûlés. Son esprit, lui, reste intact. Il assiste, impuissant, à la scène. Ses collègues tentent d'éteindre le feu qui consume peu à peu ses membres. Quelques minutes plus tard, les ambulanciers prennent le relai et le plongent dans le coma.

Un verdict libérateur

Félix émerge trois mois plus tard... sans avant-bras. « J'étais amputé un peu plus haut que le coude », explique-t-il. Mais cela ne suffit pas... Les infections se multiplient, les chirurgiens amputent toujours plus. Onze mois et 54 opérations plus tard, il ne reste plus rien de ses bras, si ce n'est des douleurs fantômes. Le jeune homme entame une rééducation de cinq mois et plonge dans les addictions : drogues, alcool... Toute substance lui permettant « d'oublier ». La culpabilité le hante. « Comment cela a-t-il pu m'arriver ? Quelle erreur ai-je commise ? » Le verdict tombe quelques mois plus tard : aucune. « Après une longue investigation, un organisme d'analyse des risques a conclu que l'entreprise pour laquelle je travaillais n'avait pas respecté certaines règles, je n'étais donc pas responsable de l'accident », commente-t-il, soulagé. Une étape cruciale dans son processus de reconstruction... « Mais je n'avais toujours pas de bras », grogne Félix. Et il risquait désormais de perdre son foie...

Sortir de l'état de victime

Abimé par l'accident, il doit subir une greffe de toute urgence. « Impossible », affirment les médecins, inquiets des excès que Felix inflige à son corps. « Je pesais 47 kilos, buvais beaucoup trop... Bref, je ne remplissais pas les critères pour recevoir un nouvel organe, j'étais en train de me tuer », raconte celui qui est aujourd'hui âgé de 48 ans. La mort, il y a échappé une fois. Pourquoi pas deux ? C'est le déclic. Ayant renoncé à ses addictions, il peut être transplanté. « Il m'a fallu quatre ans pour sortir de l'état de victime, dévoile-t-il. J'ai décidé d'arrêter de penser aux choses qui me manquaient pour me concentrer sur celles que j'avais, ajoute-t-il. A partir de là, tout a changé. J'ai accepté mon sort et me suis adapté. »

Une greffe inédite !

Mais, en secret, il continue de nourrir « un rêve lointain » : retrouver ses bras. En se documentant sur les greffes, il tombe sur les travaux du professeur Jean-Michel Dubernard, pionnier mondial de la greffe de mains. Neuf ans après son accident, Félix le rencontre à Reykjavik (Islande) à la sortie d'une conférence et lui fait part de son désir de serrer une nouvelle fois ses proches dans ses bras. En 2011, il vend tout ce qu'il possède en Islande et débarque en France pour subir une batterie d'examens en vue de bénéficier d'une greffe bilatérale de bras. Sur liste d'attente durant cinq ans, il subit finalement cette intervention hors normes, d'une durée de 15 heures, le 13 janvier 2021, au sein de l'hôpital Edouard Herriot de Lyon (article en lien ci-dessous). Une première mondiale ! Pourquoi lui ? « Parce que je suis le seul à avoir demandé, sourit-il. Et puis j'étais le candidat parfait car j'étais déjà sous antirejet pour ma greffe de foie.»

Le début d'une nouvelle vie

« Cela m'a pris des jours pour m'approprier ces nouveaux bras que, à la différence d'un organe interne, j'ai constamment sous les yeux. Mais, aujourd'hui, je les considère comme les miens », explique-t-il un mois plus tard, en direct de l'hôpital. Prochaine étape ? Un centre de rééducation durant au minimum un mois avant d'être accueilli dans un hôpital de jour, durant 6 à 8 heures par jour, et ce pour au moins trois ans. « Mais ça en vaut la peine ! », assurent Félix et sa conjointe Sylwia. « Durant des années, notre vie tournait exclusivement autour de cette opération, se souvient-elle. Lorsqu'il était sur liste d'attente, nous ne pouvions pas prendre le risque de partir en vacances, ni même de retourner dans notre pays... Aujourd'hui, nous sommes libres ! », conclut-elle, ravie de cette nouvelle « aventure » qui commence.

Les commentaires sont fermés.