Peut-on littéralement mourir d'amour ou d'anxiété ? Dans le Tako-tsubo ou syndrome du cœur brisé, l'accumulation de stress peut aboutir à une paralysie du muscle cardiaque. Focus "palpitant" sur cette urgence sanitaire à prendre très au sérieux.
Ruptures sentimentales, professionnelles, sociales, amicales, économiques, médicales... La crise sanitaire met les nerfs des Français à rude épreuve depuis bientôt un an... De véritables « crève-cœurs », facteurs de stress, qui peuvent avoir une incidence à la fois sur leur santé mentale et physique. « En effet, l'accumulation de stress conduit à une fragilité émotionnelle qui peut aboutir à une paralysie du muscle cardiaque »,alerte le Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue au CHU de Lille et cofondatrice d'Agir pour le cœur des femmes. Concrètement, le palpitant se met en état de sidération face à l'événement de trop, qui aurait semblé anodin en d'autres circonstances. C'est ce qui se produit dans le cas du Tako-tsubo, syndrome du cœur brisé ou cardiomopathie de stress. En ce jour de la Saint-Valentin, focus sur « cette urgence cardio-vasculaire encore méconnue, à prendre très au sérieux », selon le Pr Mounier-véhier, tout particulièrement en cette période pandémique où l'isolement et l'incertitude règnent.
Tako-tsubo, quèsaco ?
Cette maladie du muscle cardiaque a été décrite pour la première fois au Japon dans les années 1990. Elle se manifeste principalement par des essoufflements, une douleur brutale dans la poitrine en étau mimant celle de l'infarctus, irradiant dans le bras et la mâchoire, des palpitations, des pertes de connaissance, des malaises vagaux... Mais, contrairement à l'infarctus, elle n'est pas liée à une obstruction des artères coronaires. « Une situation de stress aigu active le système nerveux sympathique(ndlr : qui gère notamment l'activité des organes viscéraux mais aussi la respiration ou le battement du cœur), déclenchant la production d'hormones de stress, les catécholamines, qui accélèrent le rythme cardiaque, augmentent la pression artérielle et contractent les artères coronaires », détaille Claire Mounier-Véhier. Sous l'effet d'une libération massive de ces hormones de stress, une partie du cœur ne peut plus se contracter. « Ce phénomène est potentiellement facteur de troubles aigus du rythme ventriculaire gauche, qui peuvent causer la mort subite, mais aussi d'embolies artérielles », poursuit-elle.
Les femmes en première ligne
Principaux facteurs de risque ? Les chocs émotionnels (perte d'un être cher, rupture, annonce d'une maladie) mais aussi physiques (intervention chirurgicale, infection, accident, agression), souvent associés à une fatigue intense, révèle une étude menée par des chercheurs de l'université de Zurich (Suisse), publiée en 2015 dans la revue New England Journal of Medecine. Les femmes sont en première ligne (neuf pour un homme) « car leurs artères sont particulièrement sensibles aux effets des hormones du stress et se spasment plus facilement », explique le Pr Claire Mounier-Véhier. Celles en situation de précarité, avec une lourde charge psychologique ou encore ménopausées qui ne sont plus protégées par leurs œstrogènes naturels y sont particulièrement exposées, comme en témoigne Stéphanie, 55 ans.« Il y a quelques mois, une collègue m'a agressée verbalement pour un évènement qui me paraissait sans importance. J'ai ressenti comme un choc physique mais n'y ai pas prêté attention, admet-elle. J'ai eu mal dans la poitrine et dans le bras gauche pendant deux ou trois jours mais la douleur ne m'a pas alarmée. Puis, un soir, ma vue s'est troublée. » Quelques jours plus tard, après une brève aphasie et une échographie du cœur, le diagnostic tombe.
Chaque minute compte !
« Ne surtout pas sous-estimer les premiers symptômes liés à un stress émotionnel aigu ! », réagit le Pr Claire Mounier-Véhier. « Le syndrome de Tako-tsubo nécessite une hospitalisation en urgence pour éviter des complications graves et permettre une prise en charge en unités de soins intensifs cardiologiques. L'appel du 15 est primordial comme dans l'infarctus du myocarde, chaque minute compte ! », interpelle-t-elle. La clé pour prévenir et limiter le stress aigu et chronique ? Une hygiène de vie saine, assure l'association Agir pour le cœur des femmes, passant notamment par une alimentation équilibrée, l'absence de tabac, une consommation d'alcool très modérée, une activité physique régulière et un sommeil de qualité. En complément, elle recommande le recours aux techniques de relaxation par la respiration, basée sur le principe de la cohérence cardiaque disponible gratuitement sur le web ou sur des applications mobiles, par la pratique de la méditation en pleine conscience et du yoga. Selon son cofondateur, Thierry Drilhon, « avec une prévention positive et bienveillante, on peut éviter à huit femmes sur dix de rentrer dans la maladie cardiovasculaire ».