Egalité et diversité, c'est le credo du Conseil d'Etat, notre plus haute juridiction administrative. Via un label, elle s'engage, notamment, en faveur du handicap, dans l'accès à l'emploi comme dans une meilleure accessibilité au parcours judiciaire
Handicap.fr : Le Conseil d'Etat s'engage en faveur de la diversité et l'égalité. De quelle manière ?
Catherine Bobo, déléguée à la diversité et à l'égalité et secrétaire générale adjointe du Conseil d'Etat :Nous avons initié une démarche de labellisation Afnor en 2017, avec un plan assez large pour balayer tous les sujets liés à la diversité et l'égalité professionnelles. Nous avons finalement été labellisés en février 2020 pour le volet « diversité » et en mars pour « l'égalité ». Nous avons alors mené plusieurs actions volontaristes en matière de diversité, aussi bien à Paris qu'en région, qui portent, notamment, sur le handicap.
H.fr : Dans ce domaine, quelles sont les actions mises en œuvre ?
CB : Nous pouvons citer le recours aux ESAT (Etablissements et services d'aide par le travail) pour de nombreuses tâches (traiteurs, reliures de livres, fleuristes) mais aussi un gros travail sur l'accessibilité de nos lieux d'accueil du public : le Conseil d'Etat, bien sûr, qui est à la tête de l'ordre juridictionnel administratif, mais aussi les 52 sites que nous gérons répartis sur tout le territoire (tribunaux administratifs, cours administratives d'appel ainsi que la Cour nationale du droit d'asile). Aujourd'hui, 60 % de nos juridictions sont accessibles, l'objectif est d'atteindre 100 %, ce qui est une obligation légale et réglementaire. Nous avons également un programme d'investissement ambitieux qui vise à nous rendre accessible quelle que soit la forme de handicap, et pas seulement moteur. Nous avons par exemple développé un kit pour permettre à nos agents d'accueillir et d'orienter une personne en situation de handicap cognitif, déployé dans tous les accueils de la juridiction administrative. L'ensemble de nos tribunaux est par ailleurs équipé de boucles magnétiques.
H.fr : Une autre démarche est également en cours autour du Facile à lire et à comprendre (article complet en lien ci-dessous)…
CB : Oui, en effet, en faveur des personnes avec un handicap mental ou cognitif principalement mais qui peut également s'avérer utile pour celles illettrées ou issues de l'immigration. L'idée étant de proposer des brochures en FALC, avec des mots et des expressions simplifiées, compréhensibles par tous. La première a vu le jour en novembre 2020 sur le thème : « Comment introduire une requête devant un tribunal administratif ? ». Elle est disponible dans tous nos points d'accueil. D'autres vont suivre…
H.fr : Comment vous est venue cette idée ?
CB : En tant que déléguée à l'égalité et à la diversité, je communique régulièrement avec des référents présents sur tout le territoire pour qu'ils alimentent nos réflexions sur ces questions. L'un d'eux, Stéphane Wegner, du tribunal de Grenoble, a eu l'idée de travailler sur le FALC. J'ai trouvé ça super car notre moteur est d'être accessible au plus grand nombre, pour que chacun puisse saisir la justice administrative en cas de problème avec l'administration... C'est un véritable enjeu démocratique. Nous sommes une institution de la République et rendons la justice au nom du peuple français, il faut donc que chaque citoyen puisse avoir accès à nos services. En droit administratif, c'est très simple d'introduire une requête, à condition de connaître les bonnes ficelles. C'est l'objectif de ce dispositif en FALC.
H.fr : Dans quelles situations peut-on être amené à faire appel à un tribunal administratif ?
CB : Cela peut concerner, par exemple, le permis de construire de votre voisin ou encore le refus d'une allocation sociale... La question de l'accès aux droits est centrale. En France, il existe de nombreux dispositifs, encore faut-il les connaître. Concernant le RSA, par exemple, le taux de non recours est de 36 %. Concrètement, les personnes ont droit à cette prestation mais n'en font pas la demande.
H.fr : La loi est assez peu accessible pour tout un chacun, sans même parler de handicap... Est-ce aussi ce constat qui a motivé votre action ?
CB : Le droit est une matière codifiée, les mots ont un sens très précis. Le vulgariser est très complexe. Pourtant, nous devons y arriver et trouver une manière de nous adresser à tous. L'idée du FALC est de traduire ce langage très technique dans une version accessible. Même s'il n'est pas possible de traduire les décisions de justice en langage simplifié, cela va nous permettre de tirer des enseignements : anticiper les éventuelles difficultés et rétroagir sur la conception des procédures. C'est en tout cas mon ambition ! En diffusant cette culture d'ouverture et d'accessibilité, nous allons irriguer tout le champ de la justice administrative.
H.fr : En matière de diversité, il n'y a pas que le handicap…
CB : Oui en effet, il y a aussi la diversité géographique et sociale. Nous avons notamment ouvert toutes les portes des tribunaux pour accueillir des stagiaires de 3e des quartiers REP et REP+. Nous avons également signé des partenariats avec les classes préparatoires « égalités des chances » pour mieux armer les jeunes pour réussir les concours administratifs. Nous sommes également en train de monter des partenariats avec trois associations qui font de l'éducation populaire (la Ligue de l'enseignement, Ambition campus, L'envol) pour mettre au point des programmes d'éducation civique, rencontrer des élèves et les emmener au Conseil d'Etat.
H.fr : Un autre chantier ?
CB : La lutte contre les discriminations liées aux orientations sexuelles (homophobie, transphobie...). Ces questions sont abordées dans tous les aspects du Conseil d'Etat et de la juridiction administrative : recrutement, vie au sein de l'institution, accueil du public...
H.fr : Cet engagement est-il récent au sein de votre institution ?
CB : C'est un sujet qui nous a toujours tenu à cœur mais le fait de nous engager dans une démarche de labellisation, positive et dynamisante, nous a permis de formaliser tout cela. La volonté d'obtenir ce label, et maintenant de le conserver, nous oblige à faire mieux et à aller plus loin.