Vendée Globe : Damien Seguin, une seule main et zéro limite

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Le 8 novembre 2020, Damien Seguin, skipper né sans main gauche, mettra les voiles pour le Vendée Globe : le Graal de tous les marins, son rêve de gosse. Il devient ainsi le premier handisportif à participer à ce tour du monde en solitaire.

 

Damien Seguin, skipper handicapé qui navigue à la 12e place du Vendée Globe a informé hier, à 18h, son équipe à terre qu'il venait de se blesser. « Ce type d'accidents arrivent toujours bêtement… J'ai voulu profiter des conditions cools pour poursuivre ma job list sur le bateau avant l'arrivée dans les mers du sud, explique-t-il. J'avais juste envie de m'occuper un peu. J'ai pris mon Leatherman (ndlr, outil multifonctions très utilisé par les marins) pour aller couper un bout (ndlr, cordage). Je le tenais dans la main droite quand j'ai dû faire un mouvement d'opposition pour contrer les mouvements du bateau. Je me suis mis l'outil dans le bras... Ça pissait le sang ! Heureusement, à ce moment-là, les conditions étaient largement maniables. J'ai tout de suite contacté le médecin qui m'a indiqué la procédure à suivre. Je me suis bien soigné, j'ai un gros bandage et ai pu poser des steristrips. Je voyais un petit truc blanc dans la blessure, j'ai approché mon bras de l'écran pour le montrer au médecin et finalement, c'était un tendon… Je l'ai échappé belle ! Tout va bien, au final ce n'est pas si grave. Mais je m'en veux énormément. Il faut que j'arrive à me pardonner cette erreur ! »

Article initial du 7 novembre 2020

Par Sandra Ferrer

Il est l'un des 33 navigateurs qui partiront le 8 novembre 2020 pour le Vendée Globe, mais sera le seul à se lancer dans cette aventure hors du commun avec... une seule main. Damien Seguin est un compétiteur que rien n'arrête.

Premier skipper handisport

"Je serai le premier skipper handisport à participer à ce tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, c'est une vraie fierté", résume le skipper de 41 ans, tout en s'affairant sur son bateau, groupe Apicil. Le monocoque de la classe des Imoca (18 mètres de long), dont ce sera la cinquième participation au Vendée Globe, ne comporte aucun aménagement spécifique si ce n'est un embout placé sur le "moulin à café" (winch) du cockpit et destiné à recevoir son bras handicapé.

Peur de l'abandon

A quelques jours du départ de cette course mythique, considérée comme le Graal de tous les marins, ce père de deux enfants jure craindre l'abandon plus qu'un accident, la fatigue ou la solitude. "Je redoute surtout un abandon sur une casse mineure", précise le marin, qui s'est donné pour premier objectif de terminer la course alors que chaque édition compte en moyenne 50 % d'abandons. Mais Damien Seguin veut relever un second défi : tenter de remporter "la course dans la course", entre bateaux classiques à dérive, en sachant qu'il sera difficile de rivaliser avec ceux dotés de foils, ces appendices capables d'élever le bateau au-dessus de l'eau pour plus de vitesse.

Briser les idées reçues

"Je suis un compétiteur, je ne peux pas me satisfaire de viser le milieu du tableau", note le skipper né sans main gauche le 3 septembre 1979 à Briançon (Hautes-Alpes). "C'est quelqu'un d'exigeant", confirme Jean-Paul Dubois, son coach en voile paralympique, vantant son "jusqu'au-boutisme". Parfois même au point d'en oublier son environnement. Mais il a "progressé sur ce point", sourit celui qui se dit "épaté" par sa participation au Vendée Globe. "C'est une sacrée prouesse", juge-t-il, certain aussi que sa course fera "avancer la cause des personnes handicapés qui ont envie de faire autre chose que ce qu'on aimerait qu'elles fassent, c'est-à-dire rester dans un coin".  

Une association pour les jeunes handisportifs

Après une enfance dans les Hautes-Alpes, Damien Seguin part en 1989 avec sa famille en Guadeloupe où il reste une dizaine d'années et où il découvre la voile. Il mènera ensuite deux carrières de front, l'une en voile paralympique, l'autre en course au large. Dans la première, figure à son palmarès deux médailles d'or aux Jeux paralympiques d'Athènes (2004) et de Rio (2016) et une d'argent à Pékin (2008). En course au large, il choisit le circuit Figaro, celui qui forme à la course en solitaire, mais sa participation en 2005 lui est refusée en raison de son handicap. Un coup dur pour lui, qui le pousse à créer "Des pieds et des mains", une association qui soutient des jeunes sportifs handivoile. La même année, il remporte le titre de champion du monde en 2,4 mR (4,20m), un exploit qu'il va renouveler à quatre reprises (2007, 2012, 2015 et 2019). A son actif également trois Solitaire du Figaro (2006, 2007 et 2008), quatre Route du Rhum et trois Transat Jacques Vabre, la dernière en Imoca (les monocoques stars du Vendée Globe) avec Yoann Richomme en novembre 2019.

Hyper polyvalent

"Damien est meilleur que certains marins à deux mains, il est hyper polyvalent, il trouve des solutions à tout", expliquait à l'AFP Yoann Richomme à leur arrivée (14e) à Salvador de Bahia (Brésil). "Mes parents ne m'ont jamais mis de limites", justifie Damien Seguin, évoquant son père, guide de haute montagne, qui l'emmenait régulièrement faire de l'escalade. "Je ne me suis jamais mis de barrières et je n'ai jamais accepté qu'on m'en mette", prévient dans un sourire le skipper.

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