La Covid-19 peut-elle déclencher des troubles psychiques?

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La Covid-19, facteur et déclencheur de maladies mentales ? Face à la recrudescence de troubles anxieux et dépressifs depuis le début de la pandémie, les associations exhortent les pouvoirs publics à mobiliser des moyens pour la psychiatrie.

Depuis le début de la pandémie, l'inquiétude, les risques de chômage accrus, les informations parfois anxiogènes, le port du masque obligatoire, le spectre d'un reconfinement, les deuils, l'isolement social ou encore les violences familiales ont fait bondir la prévalence de stress post traumatique, troubles anxieux, addictions, dépressions... La population globale a vu sa détresse psychique s'amplifier et, dans le même temps, selon une enquête de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) publiée le 5 octobre, cette pandémie a perturbé ou interrompu les services essentiels de santé mentale dans 93 % des pays du monde. Dans ce contexte, la Fondation FondaMental donne l'alerte : « Inévitablement, les besoins de prise en charge vont augmenter dans les semaines et mois à venir et la France n'est pas armée pour y faire face ». Le 10 octobre 2020, à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, elle exhorte le gouvernement à donner aux professionnels de santé les moyens d'agir, et vite !

Covid, déclencheur de troubles psychiques ?

D'autant qu'un autre phénomène est à prendre en compte… L'infection à la Covid-19 pourrait engendrer un risque élevé de troubles psychiatriques. Une étude italienne de 2020 met en évidence un grand nombre de cas de dépression et de troubles anxieux plusieurs mois après l'infection. Déjà, en 2008, une étude américaine démontrait qu'une telle pandémie pourrait avoir un réel impact psychique, en raison de l'action directe de l'infection sur le cerveau mais aussi de la réponse immuno-inflammatoire ayant un effet déclencheur sur les maladies mentales. « La dépression, le trouble bipolaire, la schizophrénie et les troubles du spectre de l'autisme sont notamment associés à une augmentation des marqueurs de l'inflammation dans la circulation périphérique et le système nerveux central », précise la fondation. « Le suivi des patients atteints de Covid doit être psychiatrique, en plus d'être pulmonaire ou cardiologique »,plaide Marion Leboyer, psychiatre et directrice de FondaMental, qui souligne la nécessité d'un suivi rapproché et d'une prise en charge précoce. En parallèle, « des études doivent être menées afin de mesurer le risque de développer des troubles anxio-dépressifs et suicidaires et leur lien avec la persistance de marqueurs de l'inflammation », poursuit-elle.

Nouveaux modes de prise en charge

Les psychiatres, en lien avec les autres acteurs de santé comme les médecins généralistes et les psychologues, ont un rôle clé à jouer dans cette course contre la montre. « Il est très important d'informer les patients sur le stress, les troubles du sommeil, les troubles anxieux, les addictions et de rappeler les règles d'hygiène de vie (rythme de sommeil, activité physique, liens sociaux...) », explique FondaMental. Pendant la première phase de la pandémie, de nouveaux modes de prise en charge ont été mis en place comme la téléconsultation, les dispositifs de veille, les unités Covid... Selon la Fondation, les outils numériques ont montré leur efficacité et peuvent maintenant être déployés notamment pour améliorer le diagnostic, maintenir le contact social et surveiller le sommeil. Autre requête : mener des recherches pour permettre de mieux mesurer le suivi de l'accès aux soins et ainsi l'adapter au contexte pandémique.

La Commission européenne alerte

La Covid-19 a eu une « incidence difficilement quantifiable sur notre santé mentale collective, concède, à son tour, Stella Kyriakides, commissaire européenne chargée de la santé. Nous savons toutefois que ces conséquences, graves, agissent à grande échelle et sont en augmentation. » Avant la pandémie, un Européen sur six était déjà confronté à des problèmes de santé mentale. Selon une étude de Santé Publique France, la prévalence de l'anxiété dans la population française était déjà, en mars 2020, durant le confinement, de 26,7 %, soit deux fois supérieure au taux observé avant la pandémie. Les principaux concernés ? Les femmes, les jeunes et les personnes en situation de précarité économique. « Nous devons absolument coopérer afin de lutter contre les conséquences mentales et physiques de cette pandémie », insiste Stella Kyriakides.

Psychiatrie, priorité du Ségur de la santé ?

« Face à une offre notoirement insuffisante et dégradée avant la crise, nous observons des retards dans les prises en charge, des difficultés d'accès aux soins, la réapparition de troubles psychiques chez des personnes stabilisées, avec des situations dites de décompensation, et l'apparition de symptômes dans des populations fragilisées », déplore de son côté l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), qui exhorte les pouvoirs publics à prendre des mesures « fortes », notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 et du Ségur de la santé (article en lien ci-dessous). Selon elle, la mesure 31 de ce Ségur, qui prévoit 40 millions d'euros pour renforcer l'offre de soutien psychiatrique, reste à préciser mais sera certainement insuffisante pour à la fois faire face aux carences déjà structurelles du secteur (vétusté des établissements, sur-occupation des lits, délais…) et aux enjeux de cette situation inédite. Pourtant, « alors que la psychiatrie est le parent pauvre du système de soins français, cette crise sanitaire met en lumière sa place fondamentale dans la gestion de la pandémie et de ses répercussions », conclut Marion Leboyer.

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