Antibiotique pour soigner l'autisme: essais sauvages ou pas?

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Ils prescrivaient des antibiotiques pour soigner des enfants autistes sans étude préalable : visés par une enquête et critiqués par le gouvernement, des médecins persistent et signent, estimant agir dans les règles.

Défini comme une "priorité" par Emmanuel Macron, l'accompagnement des 700 000 personnes avec des troubles du spectre autistique en France reste agité par un débat sur des traitements aux antibiotiques. En novembre 2019, deux mamans, Olivia Cattan, présidente de l'association SOS Autisme, et Estelle Ast ont alerté l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sur ces protocoles administrés par des médecins qu'elles veulent voir "radiés" (article en lien ci-dessous).

Parents en confiance

En 2012, inspirée par un reportage télévisé sur le sujet, Estelle Ast a fait suivre un de ces traitements à son fils. "J'étais en confiance", dit-elle. Elle se rapproche d'un médecin pratiquant cette approche dite Chronimed, du nom de l'association qui regroupe une vingtaine de médecins autour du professeur Montagnier, prix Nobel de Médecine aux prises de position controversées. Deux cures de 20 jours d'antibiotiques plus tard, le fils d'Estelle "souffrait". "Les troubles du comportement sont devenus invivables à la maison. Il lui a fallu six mois pour se stabiliser", raconte-t-elle. Mais une autre mère d'enfant autiste dit avoir eu une expérience positive avec ce traitement. "Le médecin m'a expliqué que ce n'était pas anodin. Je n'ai pas pensé qu'on allait guérir mon fils, j'ai juste essayé d'améliorer sa vie",raconte-t-elle à l'AFP, sous couvert d'anonymat. "Au bout de trois jours, il s'est calmé, se concentrait mieux. Il était moins en mouvement". La période de traitement, arrêtée "au bout d'un an ou deux" car "il n'y avait plus d'améliorations", a permis à son fils "de progresser" souligne-t-elle.

Une méthode risquée

Cette méthode est dénoncée par les autorités et des associations qui la jugent risquée car n'ayant pas fait l'objet d'études réglementaires. "En l'absence de données cliniques, ces médicaments, utilisés en dehors de leur autorisation de mise sur le marché, ne sont pas recommandés", précise l'ANSM, rappelant les risques "d'effets indésirables." "S'il n'y a pas d'étude, pas de protocole, ces essais ne doivent pas être mis en place. On sait que les antibiotiques peuvent avoir des effets néfastes et on n'a pas de preuve que ça soit efficace", abonde la déléguée à la stratégie nationale pour l'autisme, Claire Compagnon. "Il y a des familles qui s'en remettent à eux de bonne foi, hélas, mais ce n'est pas acceptable car il n'y a pas de validation de ces protocoles et ça risque d'engendrer une antibiorésistance", estime Danièle Langloys, présidente de l'association de familles Autisme France. "Les enfants ne sont pas des cobayes. Mais les antibiotiques sont autorisés et les médecins ont la liberté de prescription, ils sont rentrés dans cette faille", regrette Sophie Biette de l'Unapei, association regroupant 55 000 familles de personnes handicapées mentales.

Enquête ouverte

L'ANSM a saisi le parquet, qui a ouvert une enquête le 17 septembre pour "mise en danger de la personne d'autrui" et "infractions tenant à la réalisation de recherches impliquant la personne humaine" (article en lien ci-dessous). Depuis, les médecins de Chronimed montent au créneau. "Ces enfants ne sont pas des cobayes", se défend le professeur Luc Montagnier auprès de l'AFP : "On prescrit juste des antibiotiques car on a détecté un groupe de bactéries présent chez une majorité d'enfants autistes ; on traite des symptômes de l'infection et, incidemment, ça va améliorer les troubles autistiques".

Pas d'étude

Mais les études sur le potentiel des antibiotiques se font attendre. Fin septembre, les médecins visés par l'enquête ont regretté dans un communiqué que les recherches sur le protocole soient "au point mort depuis 2018 pour cause de 'défaut de fabrication de placébo'". "On ne demande qu'une étude", explique Luc Montagnier au nom du groupe de médecins, qui souhaite être reçu par le ministre de la Santé Olivier Véran. Député de l'Isère en 2012, ce dernier avait écrit à la ministre de la Santé Marisol Touraine afin qu'elle maintienne les 300 000 euros promis par son prédécesseur Xavier Bertrand pour réaliser une étude. Il mentionnait dans son courrier que "cinquante" médecins soignaient déjà ainsi "plus de 1 000 enfants". Un argument balayé par Claire Compagnon : à l'époque, souligne-t-elle, M. Véran "n'était pas ministre de la Santé".

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