47 % des parents ont déjà perdu leur enfant handicapé. Comment éviter que la fugue ne se transforme en drame ? Une association a interrogé 400 familles. Pour ou contre les GPS de géolocalisation et comment promouvoir leur utilisation ?
8 juillet 2020 : Yacine, un jeune homme handicapé de 30 ans est porté disparu à Orange. 14 mai 2020 : Aymery, un garçon de 9 ans autiste non verbal est retrouvé mort noyé dans un lac à proximité de son domicile familial du Gard. 31 mai 2019 : Emma, une fillette avec autisme de 8 ans, a passé la nuit dans un jardin à 5 km de chez elle (article en lien ci-dessous). Janvier 2019 : par un froid glacial, Jean-Noah, 17 ans, autiste non verbal, ne sachant ni s'alimenter ni s'hydrater, échappe à la vigilance de sa famille ; son corps est repêché dans la Seine. Des disparations inquiétantes de personnes handicapées font régulièrement la une des médias. Certains sont retrouvés sains et saufs, d'autres pas…
GPS : des outils de prévention
Pour éviter des dénouements parfois tragiques, si certains militent pour la mise en place d'un dispositif d'urgence « Alerte disparition personne vulnérable » (article en lien ci-dessous), l'association Toupi (Tous pour l'inclusion) s'interroge : dans quelle mesure les GPS pourraient-ils offrir un outil de prévention ? Elle décide alors de solliciter l'avis des parents et tuteurs concernés via une grande enquête « sur les solutions de géolocalisation pour les enfants ou adultes avec handicap cognitif sévère ». Elle porte prioritairement sur ceux qui « doivent en permanence être accompagnés d'un adulte, ne vivent pas seuls, ne peuvent pas s'orienter à l'extérieur ni traverser une rue sans danger, pourraient se faire renverser par une voiture ou se noyer s'ils se retrouvaient seuls », précise Patrick Laprade, membre de l'association.
47 % ont déjà perdu leur enfant
Menée en janvier 2020, elle a permis de collecter 401 réponses, principalement de parents d'enfants handicapés (82 % d'enfants et 18 % d'adultes). Les résultats sont sans appel. 47 % des répondants estiment qu'il y a un risque élevé que leur enfant échappe à leur vigilance lorsqu'il est dehors et 72 % qu'il peut se mettre en danger s'il est seul. Surtout, 47 % disent avoir déjà perdu leur enfant handicapé. Et si seulement 10 % utilisent un GPS de géolocalisation, ils sont 79 % à penser qu'un tel outil pourrait être utile. Pourquoi n'y avoir jamais réfléchi ? Un répondant sur deux assure ne pas savoir que cela existe. Ils sont également 18 % à penser que le fait que l'enfant soit en permanence accompagné par un adulte rend cette précaution inutile. Quant à 15 % d'entre eux, ils estiment que leur enfant est trop jeune pour en être équipé, d'autres qu'il sera incapable de s'en servir. Mais la plupart ne songent qu'au GPS d'un smartphone ; or il existe d'autres outils, balise, porte-clés ou montre connectée, trop souvent méconnus. « Mon fils ne pourra jamais actionner son système GPS, tout comme il ne pourra pas demander à l'aide », explique une maman, sans savoir qu'une balise ne demande aucune manipulation de celui qui la porte. Parmi ceux qui se sont équipés en GPS, 59 % ont déjà été amenés à l'utiliser pour retrouver l'égaré.
Quant à 8 % des répondants, ils « n'aiment pas l'idée de suivre leur proche » mais ce point de vue concerne surtout les personnes les plus autonomes. « Il est vrai que ça peut paraître bizarre, voire pour certains pas normal, mais, quand on perd son enfant, même 15 minutes et qu'on sait qu'il ne peut pas demander d'aide, c'est juste invivable ! », témoigne un parent. Plutôt qu'une solution de flicage, entravant la vie privée, d'autres y voient même un bon outil pour accompagner l'autonomie.
Des freins à l'achat
Parmi ceux qui ont déjà songé à équiper leur proche, divers liens ont freiné l'achat. Tout d'abord la crainte de ne pas trouver un système d'attache satisfaisant puisqu'il est indispensable que l'enfant garde le dispositif sur lui ; peut-être faudrait-il « réfléchir à des solutions innovantes pour ceux qui n'en trouvent pas d'adaptées dans l'offre actuelle », encourage Toupi. Le 2ème critère est le manque de précision de la localisation puisque, à l'usage, la vitesse de rafraîchissement du système n'est pas toujours optimale. Enfin, le coût du matériel peut également s'avérer dissuasif ; « il faudrait que ce soit gratuit pour nos enfants », exprime un parent tandis qu'un autre explique que « 50 euros, c'est une séance d'ergo en moins. Il faut faire des choix. ». On trouve des offres d'abonnement à partir de 5 euros par mois auquel il faut ajouter le prix de la balise (environ 50 euros). Le prix le plus bas observé est une montre à 35 euros couplée à un abonnement de 2 euros par mois.
Comment promouvoir ces outils ?
Via les conclusions de cette enquête, l'association Toupi espère qu'elle « inspirera les pouvoirs publics ». Pour aller au-delà des idées reçues, elle propose une vaste campagne nationale afin de promouvoir ces dispositifs, relayée par les associations du champ du handicap et les fabricants. Pour lever certaines craintes, elle encourage également les retours d'expériences entre parents, proposant, par exemple, la création d'un groupe Facebook dédié « handicap et GPS ». Elle encourage par ailleurs les fabricants à proposer des « essais gratuits » sur quelques semaines, à coût réduit sur un mois ou encore des offres « satisfait ou remboursé ». Histoire de permettre aux parents de tester… et d'adopter ?
Enfin, parce que la prévention des fugues et des accidents qui peuvent en résulter constitue, selon Toupi, un véritable « enjeu de santé publique », elle propose un « système de remboursement à l'achat ou en location, via l'Assurance maladie, ce qui offrirait une meilleure réactivité aux besoins qu'une demande de financement via la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), ainsi qu'une égalité de remboursement pour toutes les personnes pour lesquelles un tel dispositif est jugé nécessaire par un médecin. »