Dépistage précoce saturé : les Camsp dans la galère

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De 0 à 6 ans, tous admettent les bénéfices d'une prise en charge précoce en cas de suspicion de retard ou handicap. Or le Covid-19 a semé le trouble dans les centres dédiés, ne permettant plus un accueil optimal. Le secteur sonne l'alarme...

Les très jeunes enfants vulnérables seraient-ils laissés pour compte ? C'est ce que redoute l'Anecamsp (Association nationale des équipes contribuant à l'action médico-sociale précoce), avec en ligne de mire les 0-6 ans, nés prématurés pour certains. L'association défend les bénéfices d'une prise en charge précoce en cas de suspicion de retard ou de handicap.

Nécessité d'agir tôt

« Il faut agir tôt, sans délai pour accompagner vers un développement optimal, prévenir ou limiter le handicap », explique l'association qui, en février 2019, a lancé une vaste campagne Agir tôt (article en lien ci-dessous). L'Etat s'est engagé en ce sens, notamment via la mise en place d'un repérage précoce chez le tout petit, en s'appuyant sur les recherches menées sur le neurodéveloppement. Plusieurs mesures ont été prises… Par exemple, dans le cadre de la stratégie nationale autisme au sein des troubles du neurodéveloppement, une consultation chez un généraliste ou pédiatre longue et majorée (60 euros) en cas de suspicion de troubles autistiques est remboursée depuis février 2019 par l'Assurance maladie (article en lien ci-dessous).

Covid : situation préoccupante

Malheureusement, le Covid-19 est passé par-là. Les mesures de protection sanitaires liées à la pandémie ont en effet obligé les services de la petite enfance à limiter drastiquement l'accompagnement de ce public. Le réseau de CAMSP observe de nombreuses « remontées » qui vont dans ce sens. Face à la situation jugée « préoccupante et spécifique », l'Anecamsp alerte les pouvoirs publics, adressant, le 26 juin 2020, un courrier aux ministres Olivier Véran (santé) et Sophie Cluzel (handicap). Si cette lettre est à l'initiative du médico-social, Geneviève Laurent, présidente de l'Anecamsp, se félicite qu'elle ait reçu le soutien du « sanitaire », notamment de la Société française de pédiatrie et de « grands professionnels », qui partage cette inquiétude.

Des délais déraisonnables

Avant le confinement, la saturation des services imposait déjà des « délais déraisonnables ou des soins insuffisants », selon l'association, notamment à cause du manque de professionnels. Durant le confinement, les services se sont organisés pour maintenir autant que possible les liens avec les familles par visioconsultations ou échanges téléphoniques tandis que, dans les situations les plus critiques, des visites à domicile étaient effectuées. « Durant cette période, il n'a pas été possible de s'appuyer sur les personnels de santé libéraux, eux-mêmes en difficulté », poursuit l'association. Les retards de soins se sont accumulés et un grand nombre de situations se sont dégradées. La sortie du confinement n'a pas permis un retour à la normale.

Faire des choix

Cette situation critique conduit donc le personnel des CAMSP à « faire des choix ». Certains privilégient le suivi des enfants connus au détriment des consultations de diagnostics et de bilans ou encore opèrent une sélection en fonction de l'âge, recevant par exemple exclusivement les moins de 3 ans. Les activités de prévention peuvent par ailleurs être mises en stand-by. « Les équipes ont le sentiment de sortir d'une crise aiguë pour entrer dans une crise chronique », alerte l'association qui constate, par ailleurs, que des orientations programmées par les CAMSP s'avèrent impossibles à réaliser par manque de places dans les structures d'aval.

Accompagner dans la durée

Les Plateformes de repérage précoce (PCO) pour suspicion du trouble du neuro-développement (TND) chez les enfants de moins de 7 ans, mises en place en 2019, sont une « première étape encourageante », poursuit-elle, mais elles ne pourront montrer leur efficacité que si des relais pluridisciplinaires et coordonnés sont proposés. Selon Geneviève Laurent, « il ne s'agit pas seulement de repérer mais aussi d'accompagner dans la durée or, pour cela, on a de grandes difficultés à recruter des professionnels dédiés (ergothérapeutes, psychomotriciens, psychologues…) en libéral qui refusent de conventionner car les tarifs proposés sont trop bas ».

L'association insiste pourtant sur le « décloisonnement nécessaire et indispensable du secteur sanitaire tant hospitalier que libéral et du secteur médico-social ». La santé du jeune enfant dépend en effet d'une multiplicité d'acteurs :  professionnels hospitaliers de l'ante natal, néonatologie, pédiatrie, PMI, médico-social et libéraux… Qualifiant la question « d'urgence de santé publique », l'Anecamps réclame des « moyens à la hauteur des enjeux ».

Et le Ségur de la santé ?

Le secteur a un temps compté sur les décisions issues du Ségur de la Santé (article en lien ci-dessous) pour « augmenter les moyens des CAMSP et pérenniser le recours aux soins complémentaires par les professionnels libéraux », tout en « revalorisant les rémunérations des professionnels ». « Mais il n'y a pas un mot sur les actions de prévention ni sur la pénurie de pédiatres, déplore Geneviève Laurent. En toute franchise, on ne se faisait guère d'illusion ».

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