Handicap psychique : le travail, clé du rétablissement ?

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Au-delà des fantasmes sur le handicap psychique, le Clubhouse de Lyon s'est donné pour mission d'accompagner ses membres vers un retour progressif à l'emploi. Pour Sandrine Plantier, sa directrice, "le travail est un outil du rétablissement".

 

Handicap.fr : Quelle est la marque de fabrique de Clubhouse ?
Sandrine Plantier : Incontestablement, notre méthodologie de remise en activité pour les personnes en situation de handicap psychique. Les membres du Clubhouse se voient confier un travail, et non un emploi, puisque ce n'est pas rémunéré, ce qui participe à leur rétablissement. L'emploi n'est pas l'objectif numéro 1, c'est un outil qui permet de reprendre confiance en soi.

H.fr : Combien de temps travaillent-ils et quelles tâches sont-ils amenés à effectuer, précisément ?
SP : A Lyon, nous sommes ouverts tous les jours sauf le mercredi, de 9h30 à 18h. Les membres sont libres de venir travailler quand ils le souhaitent pour effectuer des tâches administratives (traiter les demandes par mail et par téléphone, faire la comptabilité, réaliser des analyses statistiques) ou encore celles qui sont liées à la cuisine (faire les courses en ligne, réceptionner les colis des livreurs, préparer les repas, composer les menus, gérer les stocks). Certains travaillent aussi dans la communication (rédaction des newsletters ou des post sur les réseaux sociaux) et d'autres s'attellent à finaliser des projets en cours (partenariats, évènements).

H.fr : Quel est l'intérêt de travailler sans être payé ?
SP : Le club, c'est le lieu idéal pour se tester et s'apercevoir, par exemple, qu'un poste n'est pas adapté à son rythme de vie. Certains ont du mal à travailler une journée complète, d'autres peinent à se lever le matin... Ils peuvent également tester leurs rapports humains, leurs comportements sociaux. Nous réapprenons le collectif dans le cadre de l'entreprise. Ensuite, un point est proposé une fois par mois pour faire un bilan sur leur parcours de vie.

H.fr : Combien de temps dure cette période transitoire, en moyenne, avant le retour en emploi ?
SP : Le directeur du Clubhouse Paris (9 ans d'ouverture) évoquait, il y a peu, un retour en emploi sous 18 à 24 mois. Je n'ai pas les chiffres pour celui de Lyon mais il me semble que c'est à peu près pareil... Cette durée est, évidemment, très aléatoire d'une personne à l'autre. Pour encourager ce retour à l'emploi, nous proposons plusieurs options : le bénévolat, au sein du club ou en dehors, la formation, le stage. Nous avons également développé des partenariats avec des associations telles que Messidor pour accompagner certains de nos membres vers l'emploi accompagné ou le job coaching. Nous cherchons aussi, auprès des entreprises, des postes à pourvoir en milieu ordinaire.

H.fr : Proposez-vous des activités de loisir ?
SP : Seulement en dehors des heures de travail. Aujourd'hui, par exemple, l'un des membres a animé une séance de Qi Gong et, ce soir, un autre proposera un atelier de création.

H.fr : Y-a-t-il une liste d'attente pour rejoindre votre club ?
SP : Non. Les personnes intéressées peuvent se rendre au club tous les mardis de 14h30 à 15h30 pour le visiter et se renseigner. Ensuite, elles peuvent revenir une demi-journée puis faire une « période d'accueil » d'une durée indéterminée.

H.fr : Quel est le profil de vos membres ?
SP : Au total, notre club regroupe 120 membres dont 20 présents au quotidien. Environ 42 % sont des femmes. Le plus jeune a 22 ans mais il y a de tout... Généralement, la problématique des trentenaires est que la maladie est apparue durant leurs études, les empêchant d'obtenir leur diplôme. Pour ceux qui ont été touchés par la maladie plus tard, ils ont déjà une carrière, ce qui est un atout, mais, n'étant plus en capacité d'occuper la même fonction, ils doivent faire une formation pour se réorienter. C'est notamment la raison pour laquelle nous avons développé, cette année, un partenariat avec le Greta et l'Afpa, deux organismes de formation.

H.fr : Quels sont les freins principaux d'un retour à l'emploi ?
SP : La première difficulté en cas de maladies psychiques, c'est un manque de confiance en soi. Les personnes se sentent souvent isolées, c'est pourquoi nous effectuons un gros travail de « membre à membre » dans l'intention de recréer un collectif et de faire émerger des leaders. Un leader, ce n'est pas forcément quelqu'un qui parle beaucoup et fort, c'est celui qui arrive à prendre des responsabilités...

H.fr : Un certain nombre de fantasmes planent sur les troubles psychiques. Les entreprises avec lesquelles vous travaillez y cèdent-elles ?
SP : Le stéréotype le plus courant, c'est que ces personnes ne sont pas gérables, qu'elles vont « péter un câble ». Lorsqu'ils viennent au club et rencontrent des personnes à l'apparence « normale », les managers pensent qu'elles ne sont pas handicapées. Ils ne se rendent pas compte de l'effort important que certaines d'entre elles doivent produire pour prendre la parole en public, prendre des notes, synthétiser, s'affirmer lors des réunions. Le handicap psychique étant invisible, on l'oublie rapidement... Pourtant, il peut être très présent.

H.fr : Comment limiter son impact en entreprise ?
SP : En réclamant une adaptation de poste : pauses plus régulières, réunions le matin plutôt que l'après-midi, plus de temps pour prendre des notes, un bureau cloisonné plutôt qu'un open space, un emploi du temps en 4/5e, des points réguliers pour rassurer la personne et réduire son stress...Adapter des postes pour des personnes en situation de handicap psychique, c'est possible !

H.fr : Quelle peut être la valeur ajoutée de ces candidats ?
SP : Ce n'est pas évident de répondre à cette question. En toute objectivité, tous les retours des entreprises sont plutôt positifs mais il a fallu mettre en place une adaptation la majeure partie du temps. Personnellement, ce que je trouve extrêmement positif c'est que ces éléments demandent, inconsciemment, aux managers d'être encore meilleurs donc, d'une certaine façon, c'est bénéfique pour tout le monde.

H.fr : En dehors des entreprises partenaires que vous avez soigneusement sélectionnées, la bienveillance envers le handicap psychique existe-elle en milieu ordinaire ?
SP : Je recommande toujours à nos membres de bien choisir leur entreprise ; nous en déconseillons certaines qui n'ont pas bonne réputation sur l'aspect managérial. Et de leur rappeler que, d'une entreprise à une autre, le même poste peut s'avérer totalement différent. C'est tout l'enjeu de nos ateliers emplois, qui ont lieu deux fois par semaine.

H.fr : Quel bilan dressez-vous deux ans après l'ouverture ?
SP : En deux ans, une trentaine de nos membres ont trouvé un emploi, dont une douzaine en CDI. Ce qui est plutôt positif. A l'heure actuelle, 30 % occupent un emploi ; parmi les 70 % restants, certains n'en auront peut-être jamais. Mais, encore une fois, l'objectif final est de redevenir actif, inclus dans la société.

H.fr : Y-a-t-il des échecs ?
SP : Oui mais ce n'est pas grave. Certains membres veulent tellement travailler qu'ils acceptent des postes qui cumulent les difficultés (très prenants, avec un gros volume horaire, loin de leur domicile) avant d'être, de nouveau, en arrêt maladie quelques mois plus tard. Les personnes ont souvent du mal à faire le deuil de leur vie ou de leur rythme d'avant. Mais il faut prendre conscience que ces maladies sont très fatigantes, notamment à cause de traitements puissants.

H.fr : A contrario, les personnes qui ont trouvé un emploi peuvent-elles revenir vers vous pour obtenir du soutien ?
SP : Absolument, chacune reste membre à vie et conserve son staff référent avec lequel elle peut continuer à faire des points téléphoniques. En parallèle, nous organisons régulièrement des fêtes ou des dîners de l'emploi pour réunir anciens et nouveaux membres. L'occasion pour ceux qui sont satisfaits de leur poste de faire un retour sur leur expérience et, pour les autres, d'exprimer leur souhait de changer de voie.

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