Comment améliorer l'accompagnement des personnes polyhandicapées, aborder la vie affective des personnes vulnérables ? La Haute autorité de santé publie ses recommandations de bonnes pratiques et fait un point sur les chantiers en cours.
« Ce qui nous intéresse ce n'est pas une tranche de vie de la personne mais toute sa vie », affirme Christian Saout, président de la Commission en charge du social et du médicosocial (CSMS) au sein de la Haute autorité de santé. Deux ans après l'élargissement de ses missions aux champs social et médico-social, la HAS présente le nouveau dispositif d'évaluation des structures du secteur et fait un point sur les recommandations qui seront prochainement publiées. L'objectif : améliorer la continuité des parcours de vie des personnes en situation de handicap, âgées, relevant de la protection de l'enfance ou encore de dispositifs d'inclusion sociale. Pour ce faire, un maître-mot : la transversalité.
Nouveau dispositif d'évaluation en septembre 2021
La HAS a engagé en septembre 2019 la co-construction d'un nouveau dispositif d'évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), avec l'ambition de simplifier la démarche et d'améliorer la qualité de l'accompagnement proposé. « Ce dispositif se matérialisera par la publication d'un référentiel national d'évaluation composé d'un socle commun et d'approches spécifiques aux publics accueillis ou aux types d'accompagnement proposés », explique Christian Saout. Fondé sur une approche « globale » de la personne, le référentiel porte sur quatre valeurs prioritaires sous-jacentes aux pratiques d'accompagnement : le pouvoir d'agir de la personne, le respect des droits fondamentaux, l'approche inclusive des accompagnements et la réflexion éthique des professionnels. « Le rythme d'évaluation des établissements, que la HAS et les acteurs du secteur souhaitent quinquennal, reste à déterminer par un décret à venir qui définira également les modalités de publication du rapport d'évaluation », précise la HAS. Par ailleurs, dans un souci de « transparence », les rapports d'évaluation seront désormais rendus publics. Auparavant, seule la structure en était destinataire. Après une phase de concertation et d'expérimentation au premier semestre 2021, le référentiel, les méthodes d'évaluation et le format du rapport devraient être publiés en septembre 2021.
Maladies neurodégénératives : mode d'emploi
L'autre mission de la HAS consiste à élaborer des recommandations pour valoriser les bonnes pratiques de l'accompagnement social et médico-social. Destinées, en première intention, aux professionnels du secteur, elles constituent également une aide concrète, un point d'appui pour les proches et les associations. Plusieurs recommandations sont en cours d'élaboration. A noter que « chacune d'elles fait, au préalable, l'objet d'une feuille de route délimitée avec l'ensemble des parties prenantes et est élaborée par un groupe de travail multidisciplinaire, composés de professionnels du secteur et de représentants d'usagers », indique Christian Saout. La première, publiée le 8 juillet 2020, concerne l'accompagnement des personnes atteintes de maladies neurodégénératives par les différents services d'aide et de soins à domicile (en lien ci-dessous). Elle vise à éclairer les professionnels (auxiliaires de vie, aides-soignants, infirmiers...) sur l'adaptation de leurs pratiques aux spécificités de chaque situation et aux caractéristiques des maladies d'Alzheimer, de Parkinson, des dégénérescences fronto-temporales ou encore de la sclérose en plaques... Son ambition : sensibiliser et « combler un manque, notamment de formation des professionnels qui ont besoin d'une aide plus fine pour savoir quelle posture adopter au moment de la toilette, du repas, face à la maladie », explique Christiane Jean-Bart, cheffe du service Recommandations.
Améliorer l'accompagnement du polyhandicap
La seconde, publiée en octobre 2020, apportera aux aidants (professionnels et familles) des repères scientifiques, techniques, pratiques et organisationnels pour optimiser l'accompagnement des personnes polyhandicapées. Une première sur ce sujet, « très attendu par les familles et les associations », selon Christiane Jean-Bart, et « un défi pour les professionnels du médico-social car elles font l'objet d'une surveillance médicale et de soins constants », souligne M. Saout. « Fortement limitées dans leur autonomie quotidienne, les personnes polyhandicapées peuvent néanmoins développer des potentialités dès lors qu'elles ont accès à des stimulations appropriées, variées et suffisantes en quantité », constate-t-il. Pour maximiser les chances de développement, ces interventions doivent être précoces et poursuivies tout au long de la vie. « Nous allons certainement bousculer les pratiques, annonce Christiane Jean-Bart, mais d'un point de vue extrêmement positif. »
Favoriser la réussite scolaire
La HAS entend également favoriser la réussite scolaire des enfants en situation de handicap et ceux accompagnés par le dispositif de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Le but : éviter les retards, échecs scolaires et la déscolarisation, et favoriser des modalités de scolarité qui tiennent compte de leurs besoins spécifiques et leur apportent le bénéfice de la socialisation et des apprentissages nécessaires à leur développement. Publication prévue à la fin du premier trimestre 2021.
Vie affective et intime des personnes vulnérables
D'autres recommandations apporteront des clés aux professionnels pour aborder des questions relatives à l'intimité, la vie amoureuse et sexuelle des personnes vulnérables, selon l'âge et le profil de chacune. Au programme : l'éducation sexuelle, le consentement, la prévention des violences sexuelles ou encore la prise en compte des attentes de la personne dans son projet personnalisé. Autres publications à venir : la prévention des addictions et la réduction des dommages liés aux addictions chez les personnes accueillies dans les ESSMS, la coordination des parcours des personnes sans-domicile, la mise en place d'un cadre national de référence pour l'évaluation des (risques de) dangers concernant les mineurs. « Ces recommandations traduisent l'esprit du temps, estime Christian Saout. On n'accompagne pas une personne aujourd'hui comme on le faisait il y a 10, 20, 30 ou 40 ans. »
Recueillir le point de vue des personnes
En parallèle, pour répondre à une « très forte demande » de l'ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et de la secrétaire d'Etat au Handicap, Sophie Cluzel, la HAS a établi des questionnaires afin de recueillir le point de vue, l'expérience des personnes résidant en établissements. « Une phase pilote est en cours avec trois modalités de recueil : la voie électronique, téléphonique ou en présentiel, pour les personnes ayant des troubles cognitifs avancés ou des difficultés d'expression et de communication notamment », conclut Véronique Ghadi, directrice de la qualité de l'accompagnement social et médico-social. L'objectif : partir des besoins et des attentes de la personne plus que de ceux de ses proches, de la structure d'accueil ou encore des professionnels, pour favoriser son bien-être physique, mental et social.