Pour les 300 000 enfants placés, le gouvernement tente d'apporter des réponses adaptées : interventions auprès du lieu d'accueil de l'enfant, continuité pédagogique à distance, astreinte téléphonique... Parmi eux, 25 % sont en situation de handicap.
Aide sociale à l'enfance, secteur en souffrance, situation jugée même « explosive » ? Avec les mesures de confinement, les murs du foyer sont devenus presque infranchissables. En France, plus de 300 000 enfants font l'objet d'une mesure de protection de l'enfance, dont la moitié en foyer ou en famille d'accueil, placés sous la responsabilité des départements. Rappelons que 25 à 30 % d'entre eux sont également en situation de handicap, notamment psychique.
Une double vulnérabilité
Face à ce constat, deux secrétaires d'État, Sophie Cluzel (handicap) et Adrien Taquet (protection de l'enfance), précisent, le 22 avril 2020, les actions prises afin de garantir la qualité de la prise en charge de ces personnes qui, selon eux, du fait d'une « double vulnérabilité (…) doivent faire l'objet d'une attention particulière ». Elles bénéficient des mêmes modes d'accueil que les autres : accueil en structure collective, par des assistants familiaux ou à domicile chez leurs parents avec une mesure de protection. Mais certaines « ne peuvent pas retourner chez elles et y rester confinées car leurs parents sont violents ou négligents, ou bien elles n'ont pas de parents », avait précisé l'entourage d'Adrien Taquet dès le début du confinement. Dans ce huis-clos « bouleversé », a fortiori en l'absence de prise en charge au sein de l'école, il a fallu s'adapter…
Les réponses apportées
Plusieurs mesures ont donc été prises par le gouvernement, rassemblées dans une fiche à destination des professionnels du secteur. En premier lieu, la structure médico-sociale qui accueille un enfant en internat à temps plein ou partagé est identifiée comme son domicile (IME/IEM/ITEP avec une modalité d'internat à temps complet). Pour les situations les plus complexes, habituellement suivies en externat, un accompagnement individualisé par un professionnel peut être organisé dans les espaces extérieurs de l'externat ou d'un autre établissement. Si le besoin est plus important, une orientation temporaire dans un internat médico-social peut être proposée pour 7 à 14 jours.
Pour les autres situations, le gouvernement promet une « réponse adaptée et accompagnée », réaffirmant que « l'impossibilité d'accueillir les enfants en collectif en externat ne peut se traduire par un arrêt de son accompagnement médico-social ». Des alternatives doivent être proposées : interventions médico-sociales auprès du lieu d'accueil de l'enfant, continuité pédagogique à distance, astreinte téléphonique, guidance éducative, accueil temporaire en internat… Pour ceux accueillis chez les assistants familiaux, « un soutien renforcé doit être organisé, avec des solutions de répit si nécessaire ou encore un soutien psychologique ».
Un taux d'occupation à 120 %
Rappelons que dès fin mars 2020, au début du confinement, les normes encadrant l'accueil des mineurs dans les foyers de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) avaient été assouplies, avec la possibilité de déroger à l'autorisation et au fonctionnement habituel des établissements médico-sociaux. Elles permettaient, par exemple, un plateau technique d'externat capable d'intervenir auprès de l'établissement de protection de l'enfance ou du domicile de l'enfant ou la possibilité d'accueillir davantage d'enfants en internat (avec un taux d'occupation à 120 %). Objectif ? « Maintenir une continuité de service » tout en assurant des « conditions de sécurité suffisante ». « Mais c'est juste ajouter du bordel au bordel », avait confié au Figaro Lyes Louffok. Membre du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), lui-même ancien enfant placé, il déplore un système qui « toute l'année est déjà au bord de l'implosion ». Le docu Mineurs en danger diffusé en janvier 2020 sur M6 avait levé le voile sur ces défaillances (article en lien ci-dessous).
Des initiatives pour changer la donne
« Pour les enfants et les jeunes confinés dans des foyers, la promiscuité et l'interruption des rencontres avec la famille peuvent être sources de difficultés », déplore l'Unicef. Mais elle ajoute que « l'implication des éducateurs et des structures d'accompagnement peuvent parfois changer la donne ». Même s'il faut souvent renoncer au travail de fond pour faire avec les moyens du bord, de nombreuses initiatives ont donc émergé du terrain pour faire face à cette situation inédite. Par exemple, l'association AIRE, qui fédère les dispositifs ITEP (institut thérapeutiques éducatifs et pédagogiques) a proposé d'ouvrir ses internats 7j/7 pour accueillir des enfants en difficulté dans leurs lieux de vie ou en raison de l'hospitalisation de leurs parents.
« Ces mesures étaient nécessaires car la situation est tendue » dans le secteur, a commenté l'Association des départements de France (ADF).