Un nouveau mode de calcul de la prime d’activité est appliqué depuis le 1er juillet. Les travailleurs qui touchent une pension d’invalidité en subissent les conséquences de plein fouet.
Une mère de famille célibataire, conseillère clientèle à mi-temps car son handicap ne lui permet pas de travailler plus. Elle perçoit une pension de 726 euros par mois et entre 600 et 700 euros de salaire. Elle va perdre à partir de ce mois sa prime d’activité de 140 euros par mois”. C’est ainsi qu’Ericka Bareigts, députée Nouvelle Gauche de La Réunion, a commencé son intervention à l’Assemblée mardi. Elle interpellait le gouvernement au sujet de la modification du mode de calcul de la prime d’activité. Depuis le 1er juillet, de nombreux travailleurs invalides subissent de ce fait une importante réduction de leurs revenus mensuels.
Le nouveau mode de calcul, adopté lors du vote du budget 2018 - mais dont l’application a été repoussée à l’été -, est en effet défavorable aux bénéficiaires de la pension d’invalidité ou de la rente accident du travail-maladie professionnelle (rente AT-MP). En 2016, une dérogation avait été mise en place, afin que ces aides soient considérées comme des revenus pour le calcul de la prime d’activité. Cette dernière est accordée aux travailleurs disposant de revenus modestes, moins de 1.500 euros par exemple dans le cas d’une personne seule et sans enfant. Désormais, avec le nouveau mode de calcul, les pensions invalidité et rente AT-MP sont considérées comme des allocations, ce qui en pratique empêche les personnes concernées de recevoir la prime d’activité. En revanche, rien ne change pour les bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé (AAH).
Une perte de revenus de 158 euros par mois en moyenne
D’après APF France handicap (ex-Association des Paralysés de France), la perte moyenne s’élève à 158 euros par mois pour les pensionnés d’invalidité. “Cet argent n’est pas utilisé pour aller s’acheter le dernier téléphone mais pour payer les factures de gaz, une partie du loyer, la moitié des courses du mois…”, s’insurge Véronique Bustreel, conseillère nationale de l’association en charge du dossier. “Ça touche majoritairement des femmes seules avec des enfants, ce sont des personnes qui ont des revenus très modestes”.
Pour justifier cette mesure, le gouvernement avance deux arguments. D’abord, l’ancien mode de calcul ne serait “pas cohérent avec l’esprit de la prime d'activité”, a affirmé Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, devant l’Assemblée, mardi. “Je suis scotchée !”, réagit Véronique Bustreel. “C’est totalement dans le rôle de la prime d’activité que de soutenir l’activité de personnes qui travaillent et qui ont des revenus modestes”. Second argument du gouvernement : “peu de personnes ont été touchées par cette mesure”. En effet, sur les 260.000 personnes touchant une pension d’invalidité et exerçant une activité professionnelle, seulement 6.600 bénéficiaient de la prime d’activité. “On n’a rien fait pour lutter contre le non-recours ! Il n’y a eu aucune information du gouvernement et des caisses pour prévenir ces personnes qu’elles étaient éligibles”, s’insurge la conseillère nationale d’APF France handicap.
Malgré les multiples alertes des associations depuis novembre dernier, le gouvernement assume donc cette mesure. Véronique Bustreel espère, elle, qu’il changera de cap. “Je veux bien qu’on repousse le plan pauvreté à la rentrée si on réinstaure l’ancien mode de calcul”, affirme-t-elle. “Le droit à l’erreur, le gouvernement peut se l’appliquer à lui-même”.
Source : Capital.fr