Personnes âgées, handicapées, en prison…. : un webdoc à la rencontre des exclus du sexe

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L’exclusion comporte une facette rarement explorée : la sexualité. Notre société, où le bien-être est érigé en impératif, se préoccupe pourtant peu de celles et ceux qui rencontrent des difficultés pour vivre et faire l’amour de manière apaisée. En prison, en maison de retraite, en hôpital psychiatrique, ou parce qu’ayant un handicap. 

Des élèves de Sciences-Po Rennes ont enquêté pendant trois mois auprès des exclus du sexe. Ils livrent un webdocumentaire très intéressant, Sexclus, à regarder en ligne.

« Quelquefois, je fais des rêves, comme si j’avais quelqu’un. Je me réveille, comme si j’avais eu une relation sexuelle, alors que je n’ai rien eu. » Yvon, 53 ans, atteint d’infirmité motrice cérébrale, décrit le manque. Il raconte aussi le système D, quand il avait rencontré quelqu’un. Mais alors, il était contraint de faire l’amour sans sortir de son fauteuil, faute d’auxiliaire de vie à l’instant clé.

Les témoignages du webdocumentaire Sexclus sont touchants, concrets, variés. Complétés du regard d’éducateurs, personnels soignants, parents, militants, sociologues, ils exposent parfaitement la problématique de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées. La souffrance s’exprime sans fard. Ainsi témoigne Julien : « On vous regarde comme un malpropre, comme un pervers. Moi, cela me fend le cœur. »

 

Mise en avant de solutions, initiatives, prises de position

Des solutions sont exposées, comme l’assistant sexuelle. Ou bien encore cette aide technique, le Handy Lover, facilitant l’acte sexuel. Des initiatives, aussi, comme la formation des personnels del’IME de Lanester, dans le Morbihan, bien décidés à lever le tabou auprès de ses jeunes déficients intellectuels.

Également mises en avant, des prises de position courageuses, comme ce médecin de l’Agence régionale de santé bretonne, regrettant que la sexualité des personnes handicapées soit encore traitée comme un problèmeL’internaute choisit de cliquer où il le souhaite. Ici, sur une vidéo, là sur un son, là de faire défiler le texte, et de passer d’un thème à un autre, comme on apprivoise, par touches, un sujet complexe.

Des mondes différents, des personnes toujours asexuées

Pourtant, Sexclus n’est pas un énième dossier sur la sexualité des personnes handicapées.Ce webdocumentaire, réalisé par les 14 étudiants du master 2 (bac +5) “journalisme : reportage et enquête” de Sciences-Po Rennes, s’intéresse à tous les exclus du sexe. Et met l’accent sur une société qui se préoccupe bien peu de l’équilibre personnel de ses membres les plus fragiles et les plus contraints.

Sur la page d’accueil, il est possible de choisir d’explorer cinq mondes : celui des handicapés, des détenus, des SDF, des personnes âgées, et des patients d’hôpital psychiatrique. Ils ont en commun d’être vus comme asexués, réduits à leur difficulté de vie. Tous doivent surmonter des obstacles immenses, certes différents selon les situations, pour aimer et le dire avec leur corps.

On découvre les stratégies pour se masturber tranquille, derrière les barreaux, ou l’homosexualité de circonstance. Le faible nombre de lits médicalisés doubles en Ehpad est mis en avant. Tout comme la quasi impossibilité d’avoir un moment à soi, le personnel entrant 20 à 40 fois par jour dans chaque chambre.

Le respect de l’intimité, un enjeu de dignité

Mais, sans céder au voyeurisme, les auteurs du webdocumentaire ont particulièrement réussi à montrer qu’il existe un immense enjeu de dignité. « Le sexe n’est pas qu’une affaire de jouissance et de plaisir. Ce dont nous parlons beaucoup, finalement, c’est tout simplement d’humanité. De la manière dont, vivant à la rue, ils et elles se cachent pour s’aimer. De la violence, qui conditionne la sexualité des détenu.e.s. Des raisons pour lesquelles, avec un corps handicapé, la route de l’amour se cabosse en chemin de croix. De la frustration, lorsque la libido paie le prix du traitement qui soigne un esprit torturé. Ou de la rage, lorsqu’à plus de quatre-vingts ans, on vous rit au nez juste pour vouloir “avoir des rapports”. Pour s’épanouir, il faut batailler. Leur intimité est un combat ». Élise Descamps

 

Source : Faire Face.fr

 

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