Atteinte d'une maladie dégénérative,
elle est toujours dans l'attente d'un traitement existant.
Elle dénonce l'immobilisme des autorités compétentes.
Lorsque l'on a la vingtaine, on dit souvent que l'on a la vie devant soi. Pourtant, Zara Sumodhee, malgré son sourire charmeur tranche dans le vif, sans tabou : " J'ai 23 ans et je risque de mourir."
Atteinte d'une maladie neuromusculaire depuis sa naissance, la jeune vitrollaise ne se laisse pourtant pas aller dans la déprime. Ce n'est pas son genre. Si ses membres lui font défaut, son intellect, lui, est plus qu'opérationnel.
Après un bac obtenu avec mention, Zara effectue actuellement un Master 2 en Droit de l'Union Européenne à la faculté d'Aix-en-Provence. Malgré son handicap, qui l'oblige à étudier à mi-temps, elle ne baisse pas les bras et garde ses convictions intactes.
Aujourd'hui, sa maladie est dégénérative et Zara a besoin d'un traitement. Celui-ci existe sous l'intitulé Spinraza/Nusinersen. Il a obtenu une autorisation de mise sur le marché après plusieurs essais cliniques et reste même commercialisé. Seulement voilà, ses méthodes de prescription restent encore compliquées, mais pas impossibles. "Ce médicament s'administre par voie intrathécale (NDLR injection dans la moelle épinière, étalée sur plusieurs séances). On aurait pu s'inquiéter de certaines prescriptions notamment pour les patients dans mon cas qui possèdent une arthrodèse (NDLR tige en fer dans le dos) mais, il n'en était rien selon mes médecins" avoue Zara.
Des avis qui divergent
Alors que tout semblait proche suite à de multiples consultations auprès de neurologues "envisageant" la prise du médicament, les évènements se sont subitement bousculés. "J'ai eu un premier rendez-vous avec mon docteur, sur Marseille en février, qui a collaboré avec un autre confrère sur mon cas. Une nouvelle solution autre que cette tige dans le dos a alors été envisagée en juillet pour une anesthésie locale avec cette fois une pompe-réservoir installée dans le cerveau. Malgré la lourdeur du procédé, ma docteur m'a stipulée qu'il y avait une possibilité et son confrère n'a pas interdit cette pratique. "
Le temps presse...
Zara, optimiste et motivée malgré la lourdeur de l'opération, attend alors d'autres conclusions médicales. Mais à partir du mois de septembre, le couperet tombe. " Alors que les médecins envisageaient quelque chose en juillet, au mois de septembre, mon premier médecin revient finalement en arrière et m'explique par mail que la pose du réservoir n'est plus envisageable. Le procédé est devenu complexe et des tests sont en cours. Elle m'a garantie revenir vers mois mais je n'ai toujours pas de nouvelles malgré mes relances. C'était important pour moi car le médicament existe, il me manquait 'juste' un neurologue d'un centre de référence pour acter la décision" avoue impuissante la jeune femme.
Comment alors en l'espace de quelques semaines, le procédé, a priori plausible, est finalement devenu complexe ? Et alors qu'une solution a été trouvée avec l'autorisation de mise sur le marché du Spinraza/Nusinersen ? Le cas de Zara laisse perplexe.
Actuellement en France, les interventions similaires au cas de la jeune fille se font en anesthésie générale.
Mais au vu de la capacité respiratoire de certains patients comme Zara, l'acte médical reste dangereux. "C'est compliqué pour moi de respirer c'est vrai et même de parler car j'ai du mal à déglutir. Si en général, la capacité respiratoire de la parole demande 11 % d'oxygène aux poumons, me concernant, j'en suis à peine à 400 millilitres" avoue la jeune fille. "Pourtant, les solutions existent en anesthésie locale. On me les a confirmées. Le vrai souci derrière tout ça, c'est qu'en vérité, je ne peux pas être admise en test clinique. Ils se font sur des nourrissons ou enfants qui risquent de mourir ou sur des individus qui ont de la motricité. Or, ce n'est pas mon cas (NDLR Zara est dans un fauteuil électrique). Je suis donc dans la situation des nourrissons mais j'ai 23 ans. Que fait-on ? Mon cas n'intéresse personne alors que l'on peut me sauver ? "
Pour une médecine plus humaine
La mère de Zara pense de son côté qu'il y a plutôt une médecine à deux vitesses. " Nous faisons beaucoup de sacrifices entre les séances de kiné, les soins et tous les gestes anodins du quotidien comme la toilette où le transport de Zara pour ses études. Tout cela a un coût, une énergie. On veut juste que l'on se pose sur le cas de Zara et que l'on regarde le côté humain au lieu de voir l'aspect purement médical. Les solutions sont là alors que l'on arrête de faire le tri entre les patients. Le cas de Zara peut être résolu. Elle ne doit pas être le symbole d'une génération sacrifiée parce qu'elle ne possède pas toutes conditions requises d'un soi-disant teste clinique ! "
Depuis des années, Zara se mobilise pour sa cause et celles de nombreux patients dans son cas. "C'est injuste. Tout le monde mérite de vivre, quelles que soient les normes dictées par les grands groupes pharmaceutiques" lance la jeune fille.
Un conflit d'intérêts ?
L'autre grand malaise en effet derrière le cas de Zara réside dans l'organisation financière de son intervention médicale. Elle coûterait 75 000 euros. Selon la loi, les hôpitaux doivent payer cette somme avant de réaliser l'opération, pour ensuite se faire rembourser par la Sécurité Sociale.
Dans une situation actuelle où les hôpitaux publics tirent la langue, la situation reste extrêmement compliquée pour Zara.
"Y a-t-il un intérêt thérapeutique ou financier dans tout cela ? Je me demande si les commissions paritaires sur l'admission des patients sont bel et bien impartiales. On me dit aujourd'hui d'attendre un nouveau médicament en développement maintes fois repoussé. Tout ça pour quoi ? Pour que les laboratoires obtiennent un monopole de brevet ? J'ai une maladie dégénérative. Je n'ai pas le temps d'attendre une trachéotomie car je ne pourrais plus respirer. Je ne veux pas non plus être gastrotomisée (NDLR pose de poche ventrale pour aller aux toilettes) ni perdre la parole etc. Je dénote le manque de soutien des autorités compétentes aujourd'hui pour me permettre tout simplement de vivre, comme n'importe qui. "
Malgré cette épreuve, Zara ne baisse surtout pas les bras. "Je n'ai pas le droit." Elle souhaiterait simplement cette "fichue prescription par un neurologue habilité."
La jeune vitrollaise, toujours de tous les combats, a lancé une pétition en ligne. Elle a aussi envoyé une lettre au ministère de la Santé ainsi qu'au président de la République. Une façon d'interpeller l'opinion publique sur sa situation mais aussi sur celles de nombreux autres patients. Des êtres, peut-être différents, mais qui méritent tout autant de vivre, ou tout du moins de tenter de survivre au quotidien malgré leur handicap.
Pour soutenir Zara, une pétition est en ligne : zara-sumodhee-pour-l-accès-à-un-traitement-innovant-le-spinraza-pour-tous-les-patients-adultes
Article La Provence - Publié le 23/12/2017