Michaël Jérémiasz : "Je ne me limite pas aux limites que la société me fixe"

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Champion de tennis en fauteuil, porte-drapeau des Jeux paralympiques de Rio en 2016, Michaël Jérémiasz compte bien prouver que sa détermination n'est pas entravée par son fauteuil. Il a réussi à finir, samedi 7 Octobre, sa deuxième Spartan Race de l'année.

Témoignage...

Dans le noir, avec une seule lampe frontale pour se guider, la finale de la Spartan Race avait encore plus des airs de défi que d’ordinaire. Cette impressionnante course d’obstacles où les participants doivent ramper sous des barbelés, grimper à la corde ou encore sauter par-dessus du feu avait lieu samedi soir, pour la première fois de nuit, sur le circuit Paul Ricard du Castellet. Et parmi ses participants, un sortait du lot : Michaël Jérémiasz, 35 ans et champion français de tennis en fauteuil. A la veille de son départ pour cette course, le porte-drapeau des Jeux paralympiques de Rio ne nous cachait pas son appréhension, d’autant qu’il savait à quoi s’attendre : il a réussi à finir une première Spartan Race en juin dernier. 

L’idée lui était venue à l’Insep, où il s’entraîne à l’année : «En France, aucun mec en fauteuil n’en avait jamais tenté. Un Américain en faisait, mais il se faisait souvent porter. Je me suis dit que c’était un challenge, mais je voulais passer tous les obstacles de manière autonome.» Accompagné d’Enguerrand Aucher, ancien nageur et coach de natation à l’Insep qui lui a soufflé l’idée, il s’est lancé, avec son barbier et Raphaël, un de ses amis d’enfance. «Pour faire la course en toute sécurité, il me fallait trois personnes», avait-il calculé. Cette fois-ci, il a gonflé les rangs de son équipe puisque le tout de cette Spartan Race, si ce n’est pour les catégories Elite, est de passer le maximum d’obstacles, seul ou en équipe, aidé ou non par ses amis et coparticipants.

En vidéo : Michaël Jérémiasz à la Spartan Race, le 7 octobre 2017 

 

"Voir un mec en fauteuil qui fait ça, ça inspire les gens, ça motive"

A l’issue des 6 kilomètres et de la vingtaine d’obstacles, Michaël avait souffert : «C’était un grand moment, un moment très dur. Je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie. Des douleurs musculaires que je ne pensais pas avoir un jour, il m’a fallu trois jours pour retrouver un semblant d’autonomie.» Puisqu’il ne pouvait compter que sur la force de ses bras, il les avait bien plus mobilisés que d’habitude et l’a senti pendant des jours après.

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Mais si la douleur était présente, c’est surtout la joie qu’il a retenue de ce défi : «Ça demande de l’entraînement, une certaine force, une capacité à se mettre en danger, à se faire mal. Mais en même temps, c’est un tel pied quand vous avez fini, une décharge d’adrénaline, une telle fierté d’avoir accompli ça… qu’on y retourne!» Il est même resté en contact avec certains participants de la dernière course : «Voir un mec en fauteuil qui fait ça, ça inspire les gens, ça motive. Quand on croisait des gens qui marchaient, qui n’en pouvaient plus, je les regardais et leur lançais : "Alors, vous voulez mon fauteuil, bande de feignasses?" Les gens étaient morts de rire et m’ont envoyé des messages pour qu’on refasse une course ensemble. Ça incite les gens à regarder au-delà de leur zone de confort, ça fait du bien. [...] C’est une course de partage. Tu as un rendez-vous avec toi-même, et c’est extrêmement fort, c’est émouvant. Quand on a fini, on s’est tous pris dans les bras. Le sport peut créer aussi ce genre de sensations.»

 

"Prouver encore et toujours qu’on est capables d’accomplir des choses que les gens n’imaginent même pas"

Derrière ces défis physiques impressionnants, il fait surtout preuve d’une détermination sans faille : «L’idée, c’est de se prouver encore et toujours qu’on est capables d’accomplir des choses que les gens n’imaginent même pas. Et de le montrer, pour montrer qu’on peut faire du sport en étant handicapé, qu’on peut se lancer des défis. Je ne me limite pas aux limites que la société me fixe. Quand je veux faire quelque chose, je mets tout en oeuvre pour essayer d’y arriver. Si je me heurte à un mur, je vois comment je peux passer par dessus. J’accepte qu’il y a des choses que je ne peux pas faire, mais j’essaie quand même de trouver une solution.»

Une combativité dont il a fait un métier, notamment avec son entreprise Handiamo, qui gère la carrière de sportifs de haut niveau handicapés et l’organisation d’événements sportifs, mais aussi avec son association Comme les autres, qui apporte de l’aide à des personnes handicapées à cause d’un accident de la vie. Il est également consultant et conférencier, histoire de remplir un peu plus un emploi du temps déjà bien occupé par son quotidien de jeune papa et les nombreux entraînements. «Je suis accro à ça. Je suis un hyperactif. Tout ce que je fais a une utilité sociale forte, un engagement pour faire changer encore et toujours le regard sur le handicap, permettre aux personnes handicapées d’avoir accès à la citoyenneté de la même manière que les valides, de ne plus être une des minorités les plus discriminées. [...] Je le fais parce que ça me fait du bien, je prends beaucoup de plaisir à le faire. Je donne mais je reçois tellement, c’est ce qui fait que j’ai une vie aussi riche, pour faire autant de choses», assure-t-il.

Après cet épuisant parcours, dont un déplacement à Lima avec la délégation olympique pour l'attribution des Jeux de 2024 et un semi-marathon dont il était l’ambassadeur à Disneyland Paris, Michaël Jeremiasz va ralentir le rythme, avant une prochaine Spartan Race en mars prochain, au Stade de France -une joie pour lui, puisque c’est dans cette enceinte que sera donné le coup d’envoi des Jeux olympiques de Paris 2024. Cet hyperactif à la bonne humeur contagieuse a un dernier défi avant la trêve, et pas n’importe lequel : il prendra le départ du marathon de New York, le 5 novembre prochain. Et il pense déjà à la Spartan Race 2018 : «Peut-être, l’an prochain, tenter une course de 13 kilomètres?»

Article Paris Match - Publié le 09/10/2017 

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