Préserver la santé au travail : une loi pas suffisante... (04/03/2021)

Une proposition de loi sur la santé au travail adoptée par l'Assemblée veut privilégier la prévention plutôt que la réparation. Elle est jugée intéressante mais insatisfaisante par le Collectif handicaps qui compte sur les sénateurs pour l'améliorer

 

Une proposition de loi sur la santé au travail a été adoptée par l'Assemblée nationale le 17 février 2021, rendue nécessaire par la réforme du système français de santé au travail. Même si les accidents professionnels ont diminué et l'indemnisation pour les personnes victimes de maladies professionnelles a été améliorée, une partie importante des moyens financiers est encore consacrée à la « réparation ». Ce texte entend donc prévenir plutôt que guérir. Les « approches classiques montrent depuis quelques années leurs limites, notamment dans la prévention de la désinsertion professionnelle des personnes ou la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques ou des affections de longue durée en milieu professionnel », notent ses auteurs, des députés LREM, qui défendent une « culture de la prévention ».

Du mieux en cas de handicap mais…

Ces débats ont permis de prendre un peu mieux en compte la situation de certains « publics vulnérables», notamment en en situation de handicap. Certains amendements ont été jugés « intéressants » par le Collectif handicaps, qui réunit une cinquantaine d'associations. Cela concerne : la collaboration des acteurs de l'emploi des travailleurs en situation de handicap à la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle ou encore le renforcement du rôle du référent handicap sur les questions de prévention. Mais ce collectif déplore par ailleurs d'autres mesures trop « symboliques », par exemple la proposition d'intégrer le terme « handicap » dans le titre d'un des chapitres de la loi. « Un tel ajout ne suffira pas à éviter la désinsertion professionnelle des travailleurs invalides ou en situation de handicap, regrette-t-il. Il en faudra plus pour que le travail arrête chaque année de casser et user des travailleurs, qui deviennent handicapés, en ne recevant qu'une indemnisation au rabais. »

Des points de discorde

D'autres points restent, selon lui, « problématiques ». Par exemple le fait que le médecin du travail puisse avoir accès au Dossier médical partagé (DMP), même avec l'accord du salarié est une « préoccupation majeure » car ce « consentement » doit pouvoir se faire de « manière éclairée et sans ambigüité », « ce qui n'est pas le cas aujourd'hui », selon le Collectif. Il réclame également que le rendez-vous de pré-reprise entre le salarié et l'employeur se fasse « obligatoirement » en présence du médecin du travail afin de prévenir les situations de désinsertion professionnelle. Les associations s'interrogent par ailleurs sur « l'utilité réelle » de la visite à mi-carrière à 45 ans, alors que d'autres visites existent et que l'on doit fait face à une pénurie de médecins du travail, s'interrogeant aussi sur son « son impact et ses conséquences sur la poursuite de l'activité professionnelle des travailleurs ». Quant au « passeport de prévention », qui vient renforcer la formation en matière de prévention, il ne « doit aucunement devenir un moyen, pour l'employeur, d'échapper à sa responsabilité en matière de santé au travail et, de fait, à son obligation d'indemniser les victimes ». Enfin, le « refus assumé des partenaires sociaux et des parlementaires d'intégrer les associations de victimes du travail au sein du comité national de prévention en santé au travail » est jugé « incompréhensible ». 

Appel aux sénateurs

Cette proposition de loi Santé au travail reste donc « en-deçà des attentes » du Collectif car, selon lui, elle « renforce les droits d'employeurs en matière de gestion des carrières » au lieu de « sécuriser les parcours professionnels des salariés ». Elle doit maintenant être examinée par le Sénat. Les associations comptent sur cette navette parlementaire pour améliorer le texte, exhortant les sénateurs à « s'affranchir de l'accord des partenaires sociaux pour être plus ambitieux » et « ne pas fragiliser davantage les salariés les plus vulnérables ». Cette loi doit entrer en vigueur au plus tard le 31 mars 2022.

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