Vers une épidémie des solitudes, et en cas de handicap? (14/12/2020)

La Fondation de France publie son 10e rapport sur les solitudes, qui révèle une forte augmentation de l'isolement depuis 10 ans, et concerne aussi les personnes handicapées. Sommes-nous face à une épidémie de solitudes en France ?

 

51 % des personnes isolées en situation de handicap ou souffrant d'une maladie chronique limitent certains contacts avec leurs proches par crainte d'être un poids pour eux (contre 27 % de l'ensemble de la population – chiffre 2018). C'est ce qui ressort, entre autres, du 10ème rapport annuel sur les solitudes (en lien ci-dessous) rendu public par la Fondation de France le 4 décembre 2020. En cas de handicap ou de maladie, c'est la « double peine », constate-t-il, une « situation qui se transforme en cercle vicieux ». En effet, ils sont sources de fatigue, voire de souffrance, et réduisent bien souvent la mobilité. Ces deux facteurs induisent de fait une réduction du potentiel de sociabilité et entraînent un repli sur soi qui alimente aussi l'isolement.

Un isolement relationnel en hausse

Réalisée par le Credoc, juste avant le début de la crise sanitaire, cette étude montre, plus globalement, une forte augmentation de l'isolement relationnel au sein de la population française au cours des dix dernières années. La solitude touche aujourd'hui 7 millions de personnes, soit 14 % des Français, contre 9 % en 2010. Cela signifie qu'ils n'entretiennent que des relations très épisodiques (quelques fois dans l'année ou moins) avec les membres des cinq principaux réseaux de sociabilité (familial, professionnel, amical, affinitaire ou de voisinage). Cet isolement concerne d'abord les personnes âgées (une sur trois) et les catégories sociales les plus précaires mais touche de plus en plus toutes les catégories de population. Jusque-là relativement épargnés, 13 % des jeunes sont aujourd'hui touchés par l'isolement, soit presqu'autant que l'ensemble de la population (14 %) ; ils n'étaient que 2 % en 2010. Les femmes sont, elles aussi, en première ligne. Une sur quatre déclare se sentir « tous les jours » ou « souvent » seule (23 % en moyenne) contre 16 % des hommes, et plus d'une sur trois se sent régulièrement abandonnée, exclue, inutile, ce qui n'est le cas que pour un homme sur cinq.

Focus sur le 1er confinement

Un focus réalisé durant le premier confinement montre par ailleurs les conséquences du contexte de distanciation sociale sur l'isolement et son ressenti. Bien qu'elles disposent de revenus inférieurs et de logements plus petits que la moyenne de la population, les personnes isolées déclarent avoir mieux supporté les deux premiers mois du confinement que la moyenne des Français. Ces contraintes semblent les avoir moins perturbées car elles étaient déjà isolées auparavant. « Comme une période de répit, une manière de mettre sur pause quelques-unes des injonctions sociales auxquelles elles ne répondent pas », explique le rapport. Pourtant, à plus long terme, la crise sanitaire génère un risque important d'accroissement de l'isolement. En avril 2020, 28 % des personnes isolées se disent inquiètes pour leur situation dans les trois ans à venir, contre 22 % du reste de la population.

Par ailleurs, lors du premier confinement, les échanges à distance (téléphone, SMS, Internet) ont été, pour 48 % des Français, un outil de remplacement des liens physiques. Pour les personnes isolées, ce « refuge » virtuel s'est avéré beaucoup moins essentiel : 25 % ont déclaré y avoir eu recours. Ces outils numériques agissent plutôt comme un amplificateur des tendances qu'une solution de substitution. D'autres études montrent que les premiers mois de confinement ont renforcé chez les personnes isolées le sentiment d'être des « ratés ». Cette dégradation de la perception de soi induit une baisse de la confiance en soi, qui fragilise la possibilité du lien social.

Pour lutter contre ce phénomène et restaurer le lien social, la Fondation de France accompagne chaque année près de 1 000 initiatives. Deux exemples dans le champ du handicap ? Lutter contre l'exclusion des personnes en souffrance psychique à Montreuil (93) et rompre la solitude des aidants à Caudan (56). L'enjeu : s'attaquer aux multiples causes de la solitude et revitaliser le lien social pour rendre à ces « isolés » toute leur place dans la société.

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