Unités polyhandicap : oui, mais pas aux dépens des enfants! (22/09/2020)

Des unités d'enseignement pour enfants polyhandicapés commencent à voir le jour au sein d'écoles ordinaires. Un projet remarquable, selon Marie-Christine Tezenas, secrétaire générale du GPF*, à condition de ne pas instrumentaliser ces jeunes.

 

Handicap.fr : Des unités d'enseignement externalisées pour enfants polyhandicapés (UEEP) voient le jour au sein d'établissements scolaires ordinaires, notamment pour la première fois en Ile-de-France avec une inauguration dans l'Essonne le 11 septembre 2020 (article en lien ci-dessous). Quelle est la clé de la réussite de ce projet ?
Marie-Christine Tezenas : Pour que cela fonctionne, c'est à l'école de s'adapter. Ces jeunes ont vraiment besoin d'une attention particulière et que l'enseignant soit en lien avec l'équipe pluridisciplinaire qui les suit. D'autre part, qu'ils puissent intégrer l'école ordinaire, c'est super mais à condition qu'ils ne soient pas en souffrance. Il ne faut pas privilégier l'apprentissage aux dépens du bien-être de ces jeunes handicapés. Ils sont souvent très heureux d'être avec d'autres enfants quand ils sont petits. En revanche, à l'adolescence, cela devient parfois plus compliqué.

H.fr : L'idée de proposer à des enfants polyhandicapés d'intégrer, en partie, une école ordinaire est assez récente. Pourquoi ?
MCT : En effet. Le socle des connaissances basiques que l'on acquiert à l'école primaire est, en règle générale, très peu accessible aux enfants polyhandicapés, en raison de certaines déficiences cognitives notamment, mais leur plaisir d'apprendre est incroyable.  Il ne faut donc pas leur dénier non seulement le droit, mais aussi ce désir, réel, et souvent impressionnant  En revanche, en raison de leur absence de langage mais aussi de limitations motrices, ils ont beaucoup de mal à s'exprimer et, par conséquent, on ne sait pas ce qu'ils comprennent vraiment. Mais ils sont plein de surprises... Ils ont notamment un feeling extraordinaire qui leur permet de reconnaître la sincérité des gens. Mon fils ne s'est jamais trompé ! S'il souriait, c'était bon signe, en revanche s'il tirait la tronche…

H.fr : Le polyhandicap n'est-il pas l'un des derniers bastions de l'école inclusive ?
MCT : Oui, certainement. On a maintenant bien, ou mieux, admis l'inclusion des élèves trisomiques, puis autistes mais, pour le public polyhandicapé, cette perspective reste compliquée. Attention, scolariser ne signifie pas forcément aller au sein de l'école ordinaire. Selon l'étude Polyscol (ndlr, qui a pour objectif d'étudier l'adéquation de l'offre des établissements médico-sociaux avec les besoins d'apprentissage des personnes polyhandicapées), la présence d'une unité d'enseignement, avec un poste d'enseignant spécialisé de l'Education nationale, à l'intérieur même de l'établissement médico-social et qui respecte ainsi le rythme des enfants, favorise un apprentissage de qualité. Malheureusement, très peu en sont pourvus. On peut même aller plus loin, pourquoi ne pas proposer des temps de scolarisation à l'intérieur des établissements spécialisés pour accueillir des élèves de l'école ordinaire ? N'est-ce pas à l'Ecole de la République « d'aller vers » -c'est tellement à la mode- les enfants polyhandicapés ? A creuser, parmi toutes les solutions qui sont aujourd'hui envisagées par l'Education nationale...

H.fr : Avez-vous néanmoins des réserves concernant ces unités d'enseignement externalisées ?
MCT : Ce dispositif me semble très bien adapté mais nécessite d'immenses précautions. En effet, il va concerner des enfants polyhandicapés et d'autres avec des handicaps complexes donc il faut, tout d'abord, veiller à ne pas laisser les plus dépendants et démunis de côté et être extrêmement prudent dans la modélisation du projet. D'autre part, les enfants polyhandicapés ont absolument besoin que l'on parte de leurs besoins réels et non de servir une éventuelle idéologie de l'école inclusive. Il ne faut pas en faire une vitrine à tout prix. J'ai toujours un peu peur du risque d'instrumentalisation, alors que ce projet est remarquable. Il y a, face aux idéaux, un principe de réalité qu'il ne faut jamais perdre de vue et, si le système n'est pas prêt, cela peut générer de réelles souffrances. Non, tous les enfants ne sont pas en mesure d'aller à l'école ordinaire… Mais sans doute peut-elle s'adapter, encore et encore !

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