Drépanocytose : un impact sur la scolarité méconnu? (11/09/2020)
"16 % des enfants atteints de drépanocytose sont dans une grande fragilité cognitive ou linguistique." L'étude Drepascol met en lumière leurs besoins spécifiques ainsi que l'impact, encore sous-estimé, de cette maladie du sang sur leur scolarité.
Seuls 40 % des enfants atteints de drépanocytose ont les compétences scolaires requises pour leur âge. En cause, notamment ? Un suivi médical chronophage, d'éventuelles complications cérébrales sévères et une prise en charge désuète qui fait l'impasse sur la prévention des retards d'apprentissage. Pour changer la donne, la recherche appliquée Drepascol* vise à mettre en évidence les dimensions de l'apprentissage pouvant être affectées par cette maladie génétique qui provoque une déformation des globules rouges. 50 élèves concernés, âgés de 8 à 13 ans, ont accepté de participer à cette « première étude européenne » sur le sujet, soutenue par la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap (Firah). Objectifs ? Obtenir une meilleure connaissance de leur profil éducatif, améliorer leur scolarité et sensibiliser les familles, les enseignants et les professionnels de santé.
Lacune dans les apprentissages
Pour établir un profil détaillé de ses compétences scolaires, chaque enfant a dû passer un test cognitivo-scolaire, comprenant 16 exercices dits « scolaires » et deux autres « cognitifs », qui a évalué la rapidité d'exécution et l'attention soutenue. Résultat : 40 % ont des lacunes dans les apprentissages premiers. « Même s'ils ne sont plus entravés par la maladie ou les traitements (pour ceux ayant reçu une greffe), ils se trouvent en difficulté car les acquis de base font défaut, rendant l'acquisition de toutes les autres compétences difficile », souligne cette étude. Principaux facteurs ? La lenteur du traitement des informations (orales ou écrites), le défaut d'attention soutenue et une impulsivité importante.
Autre constat : 16 % des participants ont une grande fragilité cognitive ou linguistique. « Ils ne devraient pas progresser au sein d'une classe ordinaire. Tous les apprentissages scolaires devraient être construits par le biais d'outils et de méthodologies dédiés », estime les auteurs de l'étude qui conseillent une orientation en Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) afin de bénéficier d'un rythme adapté, de l'accompagnement d'un professionnel formé et, à terme, d'une orientation en cohérence avec leurs spécificités.
Des besoins spécifiques
Face à ces résultats, les auteurs de l'étude soutiennent que ces jeunes doivent être considérés comme des élèves à besoins spécifiques. Ils sont plus fatigables et présentent des difficultés de concentration/mémorisation, qui nécessitent des activités courtes ou fragmentées. De même, face à des élèves plus « lents », il est essentiel de réexpliquer les consignes et d'accorder du temps supplémentaire pour la lecture et l'écriture. « En mathématiques, les manipulations pourraient aider au calcul, l'usage de l'ordinateur pourrait être proposé », recommandent-ils. D'autre part, les discontinuités scolaires liées à la maladie peuvent avoir des répercussions sur l'estime de soi, d'où l'importance de leur redonner confiance en eux. Selon les chercheurs, la mise en place d'un Plan d'accompagnement personnalisé (PAP) devrait être généralisée dans les écoles pour ces enfants. Drepascol propose également un véritable outil diagnostic qui permettra d'évaluer et de suivre systématiquement les difficultés d'apprentissage de ces enfants.
Troubles méconnus = idées reçues
Pour l'heure, « un PAI (Projet d'accueil individualisé) est régulièrement établi par le médecin scolaire, sensibilisant aux complications aiguës (fièvre, douleurs...) de cette maladie qu'on appelle également « anémie falciforme » mais ne mentionnant pas les difficultés d'apprentissage potentielles », déplore les auteurs de cette recherche. De même, selon eux, la prise en charge actuelle se focalise sur « la prévention des crises vaso-occlusives, la détection des anomalies vasculaires touchant les gros vaisseaux cérébraux mais ne détecte pas systématiquement des anomalies plus subtiles ». Les difficultés de concentration, les troubles de la mémoire sont des conséquences de la drépanocytose encore peu connues, « que les enseignants et équipes pédagogiques attribuent bien souvent à une mauvaise volonté de l'enfant », déplorent-ils.
Pour mettre fin à ces idées reçues, deux guides dédiés aux enseignants sont publiés : « Accueillir en classe un enfant atteint de drépanocytose » et « Accompagner et soutenir la scolarité d'un enfant atteint de drépanocytose ». Deux autres, « Accompagner votre enfant pour les devoirs » et « Aider la scolarité de mon enfant atteint de drépanocytose », sont également disponibles pour les parents sur le site de la Firah (en lien ci-dessous).
* Menée par l'Université Paris Est Créteil et le Centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC) en collaboration avec le Centre de référence de la drépanocytose pédiatrique de Créteil et l'Université de Fribourg
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