Autisme: port du masque,un devoir pour protéger les autres? (09/09/2020)
Face au refus de certaines personnes handicapées, notamment autistes, de porter un masque, Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, pousse un coup de gueule... inattendu : "L'autisme ne doit pas être une excuse pour tout".
Depuis plusieurs semaines, les témoignages de personnes en situation de handicap, parfois autistes, refoulées des supermarchés et autres lieux publics font la Une. Motif ? L'impossibilité/le refus de porter un masque. Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, « se fait l'avocat du diable ». Coup de gueule !
Handicap.fr : Avez-vous été confrontée à des situations qui vous paraissent abusives ?
Danièle Langloys : Récemment, une personne autiste Asperger m'a alertée parce qu'on l'a renvoyée d'une grande surface au motif qu'elle n'avait pas de masque, alors qu'elle possédait, semble-t-il, une dérogation médicale. Elle souhaite porter plainte pour « atteinte à sa liberté d'aller et venir ». J'avoue mon incompréhension. Nous traversons une pandémie, avec un retour en force du virus dans certains départements, c'est grave ! Nous devons tous nous protéger mutuellement. Les devoirs sont donc les mêmes pour tout le monde.
H.fr : Même pour les personnes qui ont du mal à supporter le masque ?
DL : Quand on est capable de comprendre ce qu'est un masque, mais aussi la pandémie et les risques que l'on fait courir aux autres, il faut le porter, un point c'est tout, même s'il est vrai que c'est assez cauchemardesque. Bien sûr, c'est plus gênant quand on est autiste mais c'est très variable d'une personne à l'autre. Je comprends leurs difficultés, notamment sensorielles, puisque j'ai les mêmes. Mais je m'adapte. Je me fais livrer un maximum et, quand je sors, je fais comme tout le monde : je mets mon masque, je me protège moi et je protège les autres.
H.fr : Dans ce cas, à qui s'adresse la dérogation médicale ?
DL : Il faut la réserver aux enfants, adolescents et adultes pour lesquels ce n'est strictement pas possible, parce que, évidemment, il y en a. Par exemple les personnes autistes sévères, polyhandicapées ou avec des troubles respiratoires sévères... Celui qui ne comprend pas ce qu'est un masque et les raisons pour lesquelles il faut le porter, on ne va pas décemment l'obliger à en porter un, cela pourrait lui faire courir un grave danger -et, pourtant, certains s'y soumettent malgré tout. Mais d'autres, qui sont en capacité d'en porter un sans se mettre en danger, refusent. Allez comprendre...
H.fr : Comment se procurer cette dérogation ?
DL : Le décret du 10 juillet 2020, « prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé » indique que, pour obtenir une dérogation, il faut détenir un certificat médical. Or il faudrait qu'ils soient rédigés à bon escient. Deuxième point : les personnes qui ne peuvent le porter ne sont, pour autant, pas dispensées des gestes barrière et doivent, « si possible », mettre une visière. Certains ne supportent ni l'un ni l'autre mais ceux qui détiennent un certain niveau de compétences cognitives devraient pouvoir supporter une visière. Mon fils, autiste, qui a un taux d'incapacité de 80 %, un trouble du développement intellectuel et à peu près l'équivalent d'un niveau CE2 en porte une dans son ESAT (ndlr, établissement et service d'aide par le travail) et assure que c'est moins gênant que le masque. Pourquoi le pourrait-il et les autres non ?
H.fr : Et dans les autres établissements médico-sociaux ?
DL : C'est, pour moi, là, le vrai problème ! Il n'y a pas de consignes propres au médico-social ; comment vont faire, en IME, FAM ou MAS, les personnes autistes qui ne pourront pas accepter un masque et sont les plus handicapées ?
H.fr : Un message à faire passer ?
DL : L'autisme ne doit pas être une excuse pour tout. Si on est vraiment très mal, on réduit ses sorties. Dans la vie, on a des droits mais aussi des devoirs et, en période de pandémie, principalement, celui de ne pas mettre les autres en danger. Pour ce faire, à part le masque, et les gestes barrière, nous n'avons rien d'autre à notre disposition pour le moment. Quand nous aurons trouvé un vaccin, nous pourrons probablement desserrer un peu l'étau... Pour l'heure, sortons couverts !
H.fr : En attendant, que proposez-vous ?
DL : J'admets que les masques grand public ne sont pas bien conçus pour un très grand nombre de personnes handicapées et certains vont craquer, notamment sur leur lieu de travail. Il faudrait donc investir davantage dans les masques avec fenêtre transparente. A la fois pour permettre aux personnes malentendantes qui lisent sur les lèvres mais aussi autistes qui ont besoin de voir l'expression du visage de pouvoir communiquer mais également de le porter le cas échéant car ces modèles, ne collant ni à la bouche ni au nez, peuvent s'avèrent plus confortables pour certains. Malheureusement leur prix, plus de 10 euros, s'avère dissuasif. Et les délais d'attente pour se les procurer sont encore longs…
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