2020 : quelle rentrée pour les élèves autistes? (03/09/2020)
En cette rentrée 2020, quoi de neuf pour les élèves autistes ? La délégation interministérielle dédiée rend sa copie. Plus de classes, plus d'AESH, de nouveaux dispositifs... L'association Autisme France apporte néanmoins son bémol.
En cette rentrée 2020, le bilan se fait d'abord en chiffres… 73 nouvelles classes ou nouveaux dispositifs ouvrent pour les élèves autistes (42 en maternelle et 31 en élémentaire). Parmi eux, 9 sont des nouveaux dispositifs appelés « d'autorégulation ». Cet « effort », selon le document de la délégation, porte le total des créations à 127 classes en 2 ans, pour atteindre 247 sur l'ensemble du territoire. Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, regrette que le mot « effort », « très malvenu », soit employé ; selon elle, il s'agit tout simplement d'un « droit ». Plus de 1 800 élèves supplémentaires seront désormais scolarisés dans ces dispositifs, venant s'ajouter aux 39 000 déjà accueillis en milieu ordinaire. C'est donc une augmentation de 45 % par rapport à 2019, avec un doublement des élèves concernés en élémentaire.
Des professeurs ressources
La Stratégie autisme et troubles du neuro-développement a également permis le déploiement d'un réseau de professeurs ressources « troubles du spectre de l'autisme » qui ont pour mission de conseiller et d'accompagner les professeurs qui les sollicitent. 51 ont été recrutés en 2019 et 50 en 2020. Selon la délégation interministérielle à l'autisme, « l'objectif est atteint puisque, dès septembre, chaque département bénéficie d'un enseignant ressources TSA ».
Différentes formes de scolarisation
Parce que les enfants et les adolescents avec un diagnostic d'autisme peuvent avoir des compétences en langage, motricité ou capacités d'attention très diverses, depuis 2018, la stratégie nationale a favorisé le développement de plusieurs formes de scolarisations. Le point en détail, commenté par Danièle Langloys, qui juge, globalement ce mille-feuille parfois « complexe » pour les familles.
1. En classe ordinaire
C'est le mode qui est « privilégié », selon la délégation, avec, le cas échéant, la présence d'un Accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) ou de spécialistes (éducateur, psychologue, psychomotricien, orthophoniste) qui peuvent intervenir durant le temps scolaire. Dans certains cas, la scolarité se fait avec l'appui d'une Unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) (en école, collège, lycée) : l'enfant est à la fois scolarisé dans sa classe de référence et cette Ulis où il bénéficie d'un soutien spécialisé.
Le point de vue d'Autisme France
Elle se dit « sceptique » : « Un enfant qui n'a pas d'AESH ne pourra pas intégrer de classe ordinaire ». Avant même la rentrée, plusieurs familles ont alerté l'association, la crise sanitaire actuelle compliquant parfois la donne car certains accompagnants ou professionnels, « en situations de vulnérabilité tout à fait légitimes », ne seront pas présents. Les années précédentes, Autisme France a mené, avec deux autres associations, un sondage de rentrée sur les familles sans AESH mais a préféré s'en dispenser cette année. Motif ? « La situation s'est compliquée avec la Covid et les résultats risquent de ne pas être significatifs. » Le gouvernement a pourtant promis 8 000 recrutements pour cette rentrée (soit 4 000 en équivalent temps plein). Danièle Langloys « attend de voir » mais n'est pas certaine que « cela fera le compte ».
La bonne réponse serait-elle apportée par les Pial (Pôles inclusifs d'accompagnement localisés) lancées en 2018 par le ministère de l'Education nationale ? Ce dispositif entend mieux répartir et coordonner les interventions des AESH en fonction des besoins et des emplois du temps des élèves concernés, notamment en les mutualisant. Mais Mme Langloys estime qu'il « n'est pas adapté » à l'autisme -il n'est d'ailleurs pas évoqué par la délégation- et incite les familles « à toujours demander un AESH individuel ». Or, selon elle, « il y a des pressions auprès des MDPH pour qu'il y ait de plus en plus d'AESH mutualisés ». Le 26 juin 2020, une circulaire du rectorat d'Aix-Marseille a d'ailleurs fait « scandale » ; pour des raisons budgétaires, elle limitait drastiquement le nombre d'heures (5 au total) d'AESH mutualisées accordées à chaque enfant. Alertée, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, s'est engagée à intervenir. « Si personne ne l'avait dénoncée, cette circulaire serait restée et elle aurait pu essaimer dans d'autres régions », s'impatiente Danièle Langloys.
2. Le dispositif d'autorégulation
Une nouveauté ! Les enfants sont toujours à l'école dans leur classe « ordinaire » mais bénéficient, selon un programme individualisé, d'un enseignement « d'autorégulation ». Au sein de l'école, une pièce leur est dédiée où on leur apprend un ensemble de techniques pour mieux contrôler leur attention, leurs comportements et leurs émotions. Dès qu'ils se sentent prêt ils rejoignent leurs cours.
Le point de vue d'Autisme France
Personne n'a jamais vraiment compris de quoi il s'agissait, comment les parents font-ils pour choisir, quelle option doivent-ils privilégier ?
3. Les unités d'enseignement autisme
Une troisième solution au sein de l'école est une classe spécifique appelée Unité d'enseignement autisme, à la fois en maternelle (UEMA) et au primaire (UEEA). Elle est animée par une équipe (composée en général d'un enseignant spécialisé, d'éducateurs, d'un psychologue, d'un psychomotricien et d'un orthophoniste) spécialement formée à l'autisme et aux bonnes pratiques recommandées par la Haute autorité de santé. Des temps d'inclusion en classe ordinaire leur sont également proposés.
Le point de vue d'Autisme France
« Lorsque ces spécialistes appartiennent à un Sessad (Service d'éducation spécialisée et de soins à domicile), les choses sont plus simples car il existe des conventions, consent Danièle Langloys, même si cela reste compliqué pour certains d'entrer dans des établissements, mais lorsqu'il s'agit de libéraux, ça peut devenir quasiment impossible. » Elle évoque une circulaire de 2016 régissant l'intervention des personnels extérieurs à l'Education nationale qui précise que c'est au directeur d'établissement de donner son accord... ou pas ! « Or certains disent systématiquement non, assure-t-elle. Il faut faire sauter ce verrou ! »
4. L'entrée en IME
Une quatrième solution peut être proposée : l'entrée dans un IME (Institut médico-éducatif). Cette orientation concerne les enfants qui, pour l'instant, ne peuvent pas s'inscrire dans le rythme d'une journée de classe en milieu ordinaire. L'établissement médico-social qui les accueille organise des activités scolaires dans une unité d'enseignement avec un petit groupe d'élèves, en complément des activités éducatives ou rééducatives. « Aucune orientation n'est définitive, précise la délégation. Pendant sa scolarité, un élève pourra passer d'une forme à l'autre de classe et d'accompagnement. Ce sont ses besoins et son évolution qui dicte son parcours, en étroite coopération avec la famille. »
Le point de vue d'Autisme France
« En IME, on scolarise très peu et très mal !, assure Danièle Langloys. Jusqu'à preuve du contraire, la plupart n'ont malheureusement pas d'unité de scolarisation en interne. » Et de déplorer que certains, malgré leurs demandes répétées, ne puissent pas obtenir d'enseignants délégués de l'Education nationale ou pas suffisamment. « Avec un professeur pour 45 élèves, vous faites comment ?, interroge-telle. Dans l'instruction de 2009 sur le partenariat entre l'Education nationale et le médico-social, il est écrit que le programme de l'Education nationale doit être respecté. Onze ans plus tard, on n'a pas vraiment avancé. »
Un guide pour accompagner
A noter la mise en ligne gratuite, en cette rentrée 2020, d'un guide qui donne des clés pour accompagner les élèves porteurs d'autisme : Mon livret d'AESH-autisme (article en lien ci-dessous). Publié par l'association Bleu Network, il est accompagné de cinq e-learnings pour toujours plus de conseils pratiques.
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