Handicap : le monde d'après, c'est maintenant ! (04/06/2020)

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A quoi pourrait ressembler ce monde d'après, que tant appellent de leurs vœux, pour les personnes handicapées ? Contribution, tribune, prise de parole réclament une mobilisation pour ne pas perdre les acquis et incitent à faire preuve d'imagination...

 

Alors que le président de la République a annoncé une « refondation » de la société, les prises de paroles sur le « monde d'après » se multiplient. Un vœu pieu, une illusion ? Comment deux mois singuliers pourraient suffire à chambouler un système bien ancré et nous permettre de bâtir un monde meilleur ? Certains semblent pourtant y croire, notamment dans le champ du handicap, qui profitent de l'occasion pour dresser un bilan et porter plus fort encore leurs revendications à l'aube de cet « après » que certains jugent « sombre », percuté par une crise sociale et économique d'une ampleur inégalée. Entre espérances et réalités, et même s'il fait consensus sur le papier, il va se construire sur un champ de bataille, chaque « niche » défendant ses propres intérêts. Alors, pressentant un danger imminent pour un public souvent délaissé, les acteurs du champ du handicap multiplient les professions de foi, les tribunes, les appels à contribution et les coups de gueule… Pour ne pas être englouti par ce maelstrom.

Une tribune pour éviter l'oubli

Le 1er juin 2020, plus d'une centaine de personnalités signent une tribune dans Le Figaro, à l'initiative de l'Association pour la prise en compte des personnes handicapées dans les politiques publiques (APHPP). Son credo : « Inspirons-nous des personnes en situation de handicap ! ». Ce collectif de citoyens, scientifiques, artistes et politiques appellent à se tourner davantage vers celles « dont la résilience », qui les rend « plus fortes dans l'adversité », est « un exemple à prendre en compte ». Et de déplorer que le lien ait été fait presque systématiquement entre handicap et « vulnérabilité ». Elle dénonce un « regard tantôt condescendant, tantôt apitoyé ».

Dans ces circonstances inédites, « alors que le combat pour une société inclusive commençait à porter ses fruits », les signataires redoutent un « retour en arrière », conduisant ce public à être le premier « discriminé » et « écarté de l'emploi ». Or, selon eux, le handicap pourrait « être une chance pour notre société de demain », face aux enjeux écologiques (l'habitude de faire autant ou plus avec moins), au défi solidaire (l'expertise de 11 millions de personnes pour y répondre) et à la crise économique (nécessité de créer des emplois non délocalisables comme les services à la personne et de lancer des grands projets d'infrastructure accessibles). En conclusion, ils assurent que « le handicap peut être un des inspirateurs du monde d'après ! ».

Une société plus responsable et solidaire

Une semaine plus tôt, le 24 mai, 60 personnalités ont pris la parole dans Le Parisien, à l'invitation de l'Unapei (association de personnes avec un handicap mental), avec l'objectif de mettre en lumière les professionnels du médico-social, ces « oubliés et invisibles » (article en lien ci-dessous). Cette tribune dans un media national à très forte audience témoigne, dans un contexte incertain, de la nécessité de se rappeler aux bons souvenirs des pouvoirs publics et du grand public. Elle conclut « à l'heure où, pour beaucoup de personnes en situation de handicap et de familles, le confinement a été et reste une épreuve, ne tournons pas trop rapidement la page et réfléchissons à comment, ensemble, œuvrer à une société plus responsable et solidaire. »

Selon APF France handicap, « cette crise sanitaire a mis à jour les limites et les insuffisances d'un certain nombre de choix politiques et économiques faits ces dernières années » et « a aussi permis à tous de mieux percevoir et comprendre ce que vivent la plupart des personnes en situation de handicap et leurs proches habituellement ». Mettant à profit cet électrochoc, elle publie 50 propositions « pour une société plus juste, apaisée et durable » qui, selon elle, « doit marquer une vraie rupture avec le monde d'avant » et offrir « l'opportunité de repenser la société ».

L'urgence, maintenant

Lors de ces deux mois de confinement, dans une situation inédite et parfois critique pour certaines familles, il a fallu repenser en quelques jours des organisations complexes, de longue date. Dans le médico-social, des initiatives déployées dans l'urgence pourraient-elles être consolidées à plus long terme et permettre de faire évoluer l'accompagnement des personnes handicapées ? La CNSA lance un appel à projets en ce sens afin de capitaliser ces expériences (article en lien ci-dessous). De son côté, le 2 juin, Sophie Cluzel fait, devant l'Assemblée nationale, la promotion des pratiques innovantes. 510 initiatives citoyennes ont ainsi été recueillies sur la plateforme solidaires-handicaps créée fin mars (article en lien ci-dessous), et la secrétaire d'Etat affirme que 98 % vont perdurer. Leitmotiv : « Cette période inédite et douloureuse, qui exacerbe les situations de handicap, sera aussi un accélérateur de nouvelles solidarités ». Un futur plus radieux, donc, en gestation ? Mais, pour de nombreuses personnes en situation de handicap, d'instabilité et de précarité, le monde d'après, c'est maintenant.

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