Un confinement sans soins pour de nombreux enfants handicapés (29/05/2020)
Le confinement a été encore plus difficile à supporter pour les enfants privés de leurs précieuses séances de kinésithérapie, psychomotricité ou ergothérapie.
Le confinement a sonné la suspension des soins assurés par des professionnels auprès de nombreux enfants handicapés. 87 % d’entre eux n’ont en effet bénéficié d’aucune rééducation à domicile, rapporte le collectif Handi-actif. Les parents ont souvent pris le relais.
Des coups de fil et c’est tout… « On a l’impression que l’IEM [institut d’éducation motrice] de Jean (*) nous a complètement oubliés », confie Véronique (*), sa mère. Pendant le confinement, le lien avec l’établissement, où le garçon polyhandicapé de 10 ans était jusqu’alors accueilli, s’est résumé aux appels téléphoniques d’une éducatrice.
« Tous les dix ou quinze jours, pour prendre des nouvelles, poursuit-elle. Et je n’ai jamais eu un thérapeute en ligne, alors qu’à l’IEM, il fait de la kiné deux fois par semaine et suit une séance hebdomadaire d’ergothérapie et de psychomotricité. Ce n’est pas ce que j’appelle un accompagnement. »
« Se débrouiller seuls pour faire face. »
Dominique a, peu ou prou, vécu la même expérience, avec Adam, son fils polyhandicapé, âgé de 8 ans. « L’infirmière de l’IEM nous appelait une fois par semaine. Et j’ai eu aussi l’orthophoniste en ligne. Mais l’établissement n’a jamais donné suite à notre demande d’interventions à domicile. On a dû se débrouiller seuls pour faire face. »
Un arrêt des soins subi, davantage qu’un choix
Pour les enfants handicapés, le confinement a souvent marqué la suspension des soins assurés par des professionnels. Selon un sondage du collectif de parents Handi-actif, auprès de 500 familles, 87 % des enfants n’ont bénéficié d’aucune rééducation à domicile.
Comme faire-face.fr l’avait rapporté, certaines familles ont souhaité mettre un terme à toute prise en charge, pour limiter les risques de contamination. Mais plus nombreuses encore sont celles qui ont subi l’arrêt des soins.
Des consignes ministérielles en deux temps
Certes, durant les deux premières semaines, du 17 au 31 mars, le ministère de la Santé a donné comme consigne aux établissements et services médico-sociaux de limiter leurs interventions au strict minimum.
Mais à partir de début avril, il les a invité à remettre en place l’accompagnement médico-social à domicile (ergothérapie, psychomotricité, soutien éducatif, etc.).
Les salariés de l’enfance en renfort auprès des adultes
Visiblement, trop peu de familles en ont bénéficié. Il est vrai que, dans certains endroits, les associations gestionnaires ont dû envoyer leur salariés du secteur enfance en renfort dans les établissements, pour adultes surtout, restés ouverts.
Elles ont dû également composer avec les absences de professionnels à risque de développer une forme sévère du Covid-19 ou devant garder leurs enfants.
Enfin, se déplacer d’un domicile à l’autre est plus chronophage qu’enchaîner les soins avec des enfants présents sur place.
Visio-conférences ou visio-séances ?
La visio s’est parfois imposée comme un substitut. Mais pas partout : Jean et Véronique, par exemple, n’y ont pas eu droit tout de suite. La première visio-séance avec l’orthophoniste a eu lieu début mai pour Adam et Dominique ; et pas toujours dans des conditions satisfaisantes.
« C’était souvent plus des conférences que des séances, regrette Anne Gautier, l’une des chevilles ouvrières du Collectif Handi-actif. C’est-à-dire que les thérapeutes donnaient simplement des idées, à charge pour les parents de les adapter. Dans une véritable visio-séance, le professionnel doit montrer ce qu’il faut faire avec une poupée ou en utilisant son propre corps. » Et observer la réalisation, en guidant et en encourageant.
78 % des parents ont assuré eux-mêmes les soins
Au final, de nombreux parents se sont débrouillés autrement. Notamment, pour 78 % d’entre eux, en assurant eux-mêmes, tant bien que mal, la poursuite, totale ou partielle, des rééducations. Ils ont aussi bénéficié des visios organisées par des associations de parents d’enfants ayant le même type de handicap (12 %).
Et certains ont eu recours à des libéraux (15 %), pris en charge ou pas par la Sécurité sociale selon leur spécialité, lorsque ceux-ci ont repris leur activité. Un kinésithérapeute pour Jean, par exemple, remboursé. Au bout de cinq semaines, il a en effet commencé à ressentir des douleurs spastiques. Véronique a sollicité le professionnel qui le suivait jusqu’alors en complément. Il va continuer à intervenir au moins jusqu’au 2 juin, date du retour à l’IME. « Mais il n’y sera accueilli que deux demi-journées par semaine. »
Une facture de 1 500 € pour la psychomotricité
Pour leur fils Adam, Dominique et son mari, tous les deux en télétravail, ont fait appel à une psychomotricienne. À partir du 6 avril, elle est venue tous les jours à leur domicile, pour une séance d’une heure, facturée 70 €. Coût total : plus de 1 500 €, non remboursés par la Sécu.
« Ça lui a fait un bien fou. Et cela nous a permis de souffler, chaque jour. Mais combien de familles peuvent se le permettre ? »
La moitié des parents totalement épuisés
« Parce que les parents ayant gardé sans relais leur enfant handicapé ont participé à l’effort de solidarité nationale, nous demandons à ce qu’ils puissent toucher, comme les personnels de la santé et du secteur médico-social, une prime de 1 500 € », martèle Anne Gautier.
Après huit semaines de confinement, la moitié de ceux ayant répondu à l’enquête du collectif Handi-actif s’avouaient « totalement épuisés ». Mais plus encore que de l’aide pour les tâches quotidiennes et du répit, ils réclamaient de la rééducation à domicile (voir graphique ci-contre).
Et cette demande restera forte tant que les établissements et services, qui rouvrent progressivement avec des capacités d’accueil réduites, n’auront pas retrouvé une activité normale. Ce qui ne sera sans doute pas le cas avant septembre.
(*) Les prénoms ont été modifiés.
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