2 mai : des élèves handicapés privés de reprise ? (15/05/2020)
Parmi les élèves "prioritaires" qui ont repris le chemin de l'école le 12 mai 2020, certains, handicapés, ont été refoulés. Le gouvernement juge cette "discrimination inadmissible". De leur côté, des AESH font part de leurs galères...
12 mai 2020. Rentrée déconfinée pour de nombreux élèves mais quid de ceux en situation de handicap qui, dans une directive du 7 mai, sont jugés « prioritaires » par l'Education nationale (article en lien ci-dessous) ? « Je n'ai pas eu le choix, l'école d'Ylhann ne veut pas l'accueillir ! » Sophie, agente administrative et maman solo, témoigne dans Ouest France. Son garçon autiste de 5 ans, qui était scolarisé en moyenne section en Loire-Atlantique, ne reviendra pas en classe. Elle s'est heurtée au refus de la maîtresse au motif que le respect des gestes barrières est impossible. Un témoignage loin d'être isolé… « Les enfants handicapés ne seront pas refusés à l'école parce qu'ils n'arrivent pas encore à s'approprier les gestes barrière, a pourtant martelé Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, lors d'un Facebook live le 9 mai. Nous allons les accompagner pour que, petit à petit, ils se les approprient de plus en plus. »
« Discrimination inadmissible »
Au lendemain de la rentrée, son cabinet déplore la « rigidité » de certains établissements, voire de certaines académies, qui, dans le flou précédent cette reprise, ont édicté leurs propres règles, une « discrimination manifeste », qu'il juge « inadmissible ». En cas de refus, il conseille de « remonter l'info aux cellules d'écoute handicap » mises en place dans chaque département (article en lien ci-dessous) qui sont désormais à pied d'œuvre et « au courant » de certains abus. « Les parents ne doivent pas céder ; cette priorité, c'est une réalité, réaffirmée conjointement par les deux ministres (Cluzel, et Blanquer - Education nationale), ajoute le cabinet, et ce quel que soit l'âge de l'élève accueilli en primaire », des classes multi-niveaux étant proposées dans la plupart des écoles. Il conseille aux parents « d'imprimer les textes et de les présenter aux directeurs récalcitrants ».
Membres de la communauté éducative
D'autres problèmes surgissent, qui concernent, notamment, les AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap)… Depuis une semaine, Hélène Elouard, représentante du Collectif national dédié, reçoit près de 200 messages par jour de ses collègues. « Rien n'est prêt pour la reprise. Ils sont morts de trouille », explique-t-elle. Sophie Cluzel avait pourtant promis un protocole sanitaire spécifique. Il est enfin sorti, le 11 mai, le jour même. Son cabinet admet qu'il est « tombé un peu tardivement » et qu'il y aura un « temps d'ajustement ». Il se veut « rassurant » et certifie que les « situations problématiques sont sous surveillance » et vont « se réguler ». Ce document de quatre pages réaffirme que les « AESH sont des membres à part entière de la communauté éducative ». Parce qu'ils voient leur « rôle renforcé au service de la protection sanitaire de l'ensemble des élèves en situation de handicap (gestes barrière, distanciation physique et sociale) », ils doivent « participer aux temps d'échange qui ouvrent la reprise de la scolarité ».
Dans un grand silence
Pourtant, selon CGT Éduc'action et le Collectif AESH national qui s'expriment le 13 mai dans un communiqué commun, « depuis le début du confinement, nombre d'AESH n'ont eu de nouvelles de leur hiérarchie que la veille de la réouverture » et n'ont donc souvent pas été conviés aux réunions de pré-rentrée. Les DSDEN (directions départementales de l'Education nationale) sont injoignables et ignorent ces professionnels qui ne savent pas comment récupérer les documents et où les envoyer. Des académies continuent de refuser les autorisations d'absence pour garde d'enfants ou personne vulnérable alors que le ministère préconise de la souplesse. Après un confinement qui s'est fait pour certains dans un « silence absolu », selon Hélène Elouard, la phase de déconfinement s'annonce tout aussi problématique pour certains. Même son de cloche du côté des représentants syndicaux Se-UNSA (Guadeloupe) des AESH qui déplorent un « manque de communication avec le rectorat tout au long de la période de confinement et dans le cadre de la réouverture des écoles et des établissements ».
D'autres tâches ?
Selon les conditions de reprise, un AESH disponible pourra se voir confier l'accompagnement d'un ou plusieurs autres élèves en situation de handicap que celui dont il avait la charge avant la crise sanitaire, et ceci dans le premier comme dans le second degré. Mais selon CGT Éduc'action, certaines « hiérarchies » en profitent pour leur imposer des missions qui ne sont pas les leurs : surveillance, sans présence des enseignants, de groupe d'élèves ou d'élèves difficiles non notifiés, surveillance de récréation, aide aux devoirs, organisation et désinfection des classes et du matériel, remplacement des Atsem, et, en prévision de la réouverture des collèges, travail administratif des AED (assistants d'éducation)... « On me demande de venir participer au balisage aménagement et autres, écrit Patou pat sur Twitter. Pas question, je suis AESH collective pour accompagner des élèves d'Ulis (Unité locale d'inclusion scolaire) et pas pour faire l'intermédiaire manutentionnaire ». « Lorsqu'une AESH s'étonne, une institutrice lui répond : 'Moi, je ne suis pas animatrice et pourtant je fais de la garderie' », témoigne Hélène Elouard.
Pas corvéables à merci
Son syndicat rappelle « aux AESH leur possibilité de refuser toute mission qui n'est pas dans leur fonction ! ». Mais cette situation exceptionnelle n'appelle-t-elle pas à un peu de souplesse ? « La hiérarchie nous demande en effet d'être indulgents face à cette pénurie et de coopérer mais nous sommes face à une pandémie !, répond Hélène Elouard. Et pour quel salaire ? 600 à 700 euros par mois ? » Particulièrement précaires en temps ordinaires, « les AESH ne sont pas corvéables à merci ! », titre en effet le communiqué du collectif. Ces accompagnants peuvent, le cas échéant, exercer leur droit de retrait mais ils « ont parfois peur des représailles, des affectations arbitraires... », poursuit-elle. « Ceux qui le souhaitent peuvent poursuivre l'accompagnement des élèves à distance, notamment par téléphone ou messagerie électronique », précise le protocole.
Pénurie de matériel ?
Côté protection, le port d'un masque « grand public » est obligatoire pour les personnels lorsqu'ils sont en présence des élèves. Pour certains handicaps qui obligent à des contacts rapprochés, le ministère de l'Education nationale prévoit la fourniture « de gel hydro-alcoolique et de lingettes désinfectantes, notamment en cas d'accompagnement aux toilettes », ainsi que d'un « équipement spécifique pour les AESH (lunettes de protection et/ou visière) » qui doit être « mis à disposition localement, avec l'appui des autorités et des réseaux locaux ». Mais pour l'heure ? « Lorsqu'il y a des masques dans les écoles, des directeurs et directrices annoncent aux AESH que, à cause de la pénurie, ils ne sont que pour les enseignants ! », déplore le collectif. D'autres se voient attribuer des masques pédiatriques. Nombre d'AESH reçoivent depuis quelques jours des messages leur demandant d'apporter leurs propres masques. Le gel hydro-alcoolique fait souvent défaut. Certaines mairies pallient ce manque en fournissant elles-mêmes le matériel. CGT Éduc'action dénonce une « pseudo hiérarchie ».
Et encore ?
Par ailleurs, de manière à pouvoir répondre à leurs attentes de professionnalisation, des modules de formation seront proposés aux AESH courant mai et juin, le plus souvent au sein des PIAL (pôles inclusifs d'accompagnement localisés). Enfin, au regard de la situation, pour avoir un « vivier suffisant de personnels » pour la rentrée 2020, le renouvellement des contrats sera anticipé et s'applique pour tous afin d'accompagner la prorogation des droits des élèves en situation de handicap.
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