Discrimination : une candidate évincée d’une formation universitaire en raison de son handicap (28/06/2018)

Une candidate s’est vue refuser l’admission d’un master 2 de l’université de Rennes après avoir demandé un aménagement de scolarité, en raison de son handicap. Une discrimination, selon le Défenseur des droits.

Hui-Jun Lamy-Lei voulait « reprendre confiance » en elle. Après trois années de rééducation suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), elle postule donc, en 2014, à un master 2 de droit fiscal des affaires à l’université de Rennes 1. Un diplôme de niveau bac+5 que cette tout juste quadragénaire se sent en mesure de préparer. Elle travaillait, jusqu’à son AVC, comme directrice financière dans une filiale française en Chine.

Faire son master en deux années

Yolande Sérandour, la directrice de ce master de la faculté de droit et de science politique, valide sa candidature, à la suite d’un entretien. Mais la met en garde sur la difficulté de cette formation. Hui-Jun Lamy-Lei sollicite alors, quelques jours plus tard, le droit de suivre le master sur deux années au lieu d’une. À l’appui de sa demande, elle explique qu’un accident de santé l’a rendue plus fatigable. Et qu’elle a été reconnue travailleur handicapé.

« Excellente santé » exigée

Le lendemain, Yolande Sérandour revient sur sa décision, par mail. Elle avance que Hui-Jun Lamy-Lei n’avait « absolument pas évoqué [son] handicap » lors de l’entretien. Elle a donné son accord « sur la base d’informations tronquées ». « Cette formation nécessite énormément de travail, c’est-à-dire une excellente santé », ajoute-t-elle.

« Cela a été très violent, commente Hui-Jun Lamy-Lei. Je comptais sur cette formation pour me remettre en selle après les épreuves que j’avais traversées. Je me suis sentie victime de discrimination en raison de mon handicap. » Dans la foulée, elle saisit le Défenseur des droits, qui sollicite l’université de Rennes.

Hui-Jun Lamy-Lei voulait passer son master 2 en deux ans plutôt qu’en une seule année.

Un aménagement pourtant possible

Cette dernière réfute toute discrimination. Elle lui explique que le refus de Hui-Jun Lamy-Lei est uniquement motivé par l’impossibilité d’aménager la scolarité sur deux années, vu l’organisation des cours. Or, remarque le Défenseur des droits, dans sa décision rendue le 10 avril 2018, la plaquette du master 2 mentionnait, dans les conditions d’admission, qu’il y avait « dans certains cas particuliers – activité professionnelle, charge de famille…, possibilité d’étaler le master 2 sur deux années consécutives ».

« Il vous sera quasi impossible de réussir. »

« Même en deux ans, il vous sera quasi impossible de réussir, avait d’ailleurs écrit la directrice du master 2 à la candidate. Ainsi que je vous l’ai indiqué, cette formation nécessite énormément de travail, c’est-à-dire une excellente santé. »
Ces courriels « font clairement apparaître que le handicap de Hui-Jun Lamy-Lei a été considéré comme rédhibitoire pour son admission », commente le Défenseur des droits. Elle a bien été victime de discrimination.

Une indemnisation insuffisante

Il recommande donc à l’université de Rennes de « prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer qu’à l’avenir, aucun candidat ne sera écarté en raison de son handicap ». Il lui demande également de « procéder à un nouvel examen du montant de l’indemnisation » proposé à Hui-Jun Lamy-Lei.

Celle-ci a en effet refusé la première offre de 2 500 €. « Cela ne couvre pas l’intégralité du préjudice matériel et moral, estime-t-elle. J’ai été contrainte de m’inscrire dans un master à Poitiers, loin de Rennes où j’habitais. Je demande 25 000 €. »

Affaire classée sans suite

Hui-Jun Lamy-Lei n’avait pas seulement saisi le Défenseur des droits. Elle avait également porté plainte. Mais le tribunal de grande instance de Rennes a classé l’affaire sans suite, en août 2017. « Une enquête de police a été diligentée, précise Yolande Sérandour, la directrice du master, contactée par Faire-face.fr. Monsieur le procureur de la République, après une analyse factuelle et juridique des faits reprochés, a décidé de classer sans suite cette plainte, considérant que ni l’élément matériel ni l’élément intentionnel de l’infraction n’étaient réunis. »

Huit mois plus tard, le Défenseur des droits établissait, lui, que la réclamation de Hui-Jun Lamy-Lei était bien fondée. « Sa décision m’a vraiment soulagé car la discrimination a enfin été reconnue », confie-t-elle. Et une procédure devant une juridiction civile est toujours en cours. VDC

 

Source : Faire Face.fr

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